Dans son édito de ce mercredi 9 février, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, évoque les chiffres historiques du déficit commercial de la France et leurs implications politiques.
Depuis quelques semaines, le gouvernement aime à faire défiler les chiffres de l’«économie heureuse», par lesquels il voudrait faire oublier l’identité malheureuse : croissance en hausse de 7% , chômage historiquement bas, créations d’emplois florissantes. Il en est un cependant qui embarrasse : 84,7 milliards d’euros de déficit commercial, un record en 2021 qui pulvérise le précédent record de 2011. Paradoxe : ce pic intervient au moment même où l’ensemble de la classe politique tous bords confondus se dit favorable à la réindustrialisation. L’industrie, longtemps parente pauvre des politiques publiques, délaissées au profit des mirages de la dématérialisation de l’économie, est désormais dans tous les programmes : c’est même le seul et unique point de consensus de tous les candidats à la présidentielle, de l’extrême gauche à l’extrême droite !
Ainsi Bruno Le Maire a-t-il affirmé que la reconquête industrielle devait être la priorité du prochain quinquennat. Eric Zemmour a fait de l’Industrie l’un des axes majeurs de sa campagne, proposant entre autres la baisse des impôts de production doit permettre d’améliorer la compétitivité des entreprises et l’incitation à consommer français. Valérie Pécresse veut relancer la production nationale d’électricité. Anne Hidalgo veut lancer quatre grandes odyssées de réindustralisation. Fabien Roussel veut interdire d’importer des produits agricoles ou alimentaires ne respectant pas les normes de production françaises ou européenne. Même Yannick Jadot plaide pour un grand plan de réindustrialisation, alors que traditionnellement les écolos n’aiment pas trop les usines !
Autrefois cantonnée à l’aile souverainiste du champ politique la réindustrialisation a désormais le vent en poupe. La crise du Covid, qui a montré notre extrême dépendance aux chaines de production étrangères, notamment en termes d’approvisionnement en produits médicaux est passé par là. Mais aussi l’élection de Trump aux Etats-Unis, qui a entrepris de relocaliser des usines aux Etats-Unis.
Les politiques français se sont rendu compte que la désindustrialisation n’avait pas créé que de l’appauvrissement économique mais aussi relégué des territoires entiers, détruit une culture ouvrière et tout un écosystème autour, comme le décrivent très bien Jérôme Foruquet et Jean-Laurent Cassely, dans La France sous nos yeux, où ils dressent le portrait d’une France désindustrialisées en 20 ans. En 2001 le patron d’Alcatek Serge Tchuruk faisait une conférence où il déclarait « Alcatel doit devenir une entreprise sans usines ». Il avait fermé 14 usines en douze ans.
Il faut se réjouir que l’ensemble de la classe politique trouve au moins un point d’accord dans cette nécessité de réindustrialiser la France. Le retour des usines, c’est aussi le retour du politique sur l’économique, l’idée que la dépossession par la mondialisation n’est pas inéluctable.