Dans son édito de ce mercredi 15 décembre, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, revient sur l'entretien du président Emmanuel Macron sur TF1 ce soir.
Après avoir utilisé la casquette du président de l’Europe pour parler pendant deux heures à la presse la semaine dernière, Emmanuel Macron endosse le costume du président-candidat jouant sur les deux tableaux en donnant ce long entretien à TF1 intitulé «Où va la France». Avec élégance, il a décidé de le faire le soir même ou Valérie Pécresse devait donner son grand entretien sur une chaine concurrente.
Celle-ci, furieuse, s’est empressé de saisir le CSA pour faire décompter le temps de parole du président de la République. Aussitôt toute la Macronie a ressorti sur les réseaux sociaux une intervention de l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur défendant Nicolas Sarkozy en janvier 2012 qui avait donné un entretien télévisé à 12 semaines du premier tour. Certes, mais à l’époque justement, le CSA saisi par l’opposition avait décidé de comptabiliser le temps de parole de Nicolas Sarkozy comme «candidat présumé». Certes, nous étions alors en janvier, temps officiel du décompte.
Mais si cela ne commence qu’en janvier, pourquoi le CSA a-t-il décidé de compter le temps de parole du présumé candidat Zemmour dès septembre ? On a là affaire à un deux poids deux mesures difficilement discutable. Quoi qu’il en soit, ce n’est que le début d’un périlleux travail d’équilibriste auquel devra se livrer le candidat président Emmanuel Macron auquel avait été confronté Nicolas Sarkozy il y a dix ans.
Que cherche Emmanuel Macron avec cette intervention ?
Après une conférence de presse sur la présidence du conseil européen qui n’a pas vraiment marqué l’opinion, entre grandiloquence des projets et technocratisme, et avant des vœux à tous les Français sur le mode régalien, à quoi sert cette nouvelle intervention du président de la république ? Le président renoue avec une pratique qu’il avait laissé tomber depuis juillet 2020, lui préférant l’allocution directe aux français. Une certaine fébrilité semble s’emparer du camp macroniste alors que la candidate de la droite Valérie Pécresse s’installe dans les sondages.
Le titre de son intervention «Où va la France ?», où il devrait tirer le bilan de son quinquennat et revenir sur certaines erreurs, dit déjà une forme d’adresse à la droite : le destin de la France, la question civilisationnelle a été installé dans la campagne par les candidats de droite.
Emmanuel Macron se sent tenu d’y répondre. Recherche t-il, également comme l’espère ses communicants, l’«effet dinde», c’est-à-dire qu’on parle d’Emmanuel Macron autour des repas de fêtes, qu’il ne soit pas absent des traditionnelles disputes de fin d’année entre le vieil oncle zemmouriste et la nièce tentée par le retour de taubira ?
Le risque est que l’effet dinde provoque l’indigestion, et qu’une parole présidentielle omniprésente crée une forme de lassitude. Occuper sans lasser est un défi. Emmanuel Macron devra réussir ce soir à surprendre.