Dans son édito de ce vendredi 10 décembre, Agnès Verdier-Moliné, directrice de la fondation IFRAP, s’attarde sur la passion normative des Français.
Nos lois, nos codes, nos règlements nos circulaires prolifèrent… Dans le rapport du Secrétariat Général du Gouvernement qui vient d’être publié et qui analyse les données de Légifrance, on constate que l’activité normative n’a pas été tant que cela bridée par la crise sanitaire : 47 lois votées en 2020 contre 49 en moyenne par an depuis 2002… 14 lois votées sont liées à la gestion de la crise sanitaire.
Depuis 2002, nous n’avons jamais vu passer autant d’ordonnances, ces textes que le gouvernement prend sans passer devant le parlement. 125 ordonnances en 2020 – dont 99 liées à la crise sanitaire- au lieu d’un peu plus de 41 par an en moyenne depuis 2002. Même en 2009, avec la crise financière, le gouvernement n’avait pris que 48…
Les mesures d’application (qui permettent d’appliquer els lois votées) aussi explosent (passage de 182 mesures d’application en 2007 à 559 mesures d’application en 2020).
Avec 1.773 décrets, le nombre de décrets est en hausse par rapport à 2019 (moyenne sur la période de 1914 décrets par an)
Il faut reconnaitre que le gouvernement a essayé de faire le ménage dans les circulaires devenues obsolètes. Ces dernières sont passées de presque 28 000 en 2018 à un peu plus de 10 000 en 2021. Mais pour le reste c’est pas flambant, on peut dire qu’on croule sous les normes !
On comptait un peu plus de 160 000 articles codifiés et non codifiés en 2022, nous en comptons maintenant plus de 240 000 articles en 2021 ! Soit une augmentation d’environ 50%...
En nombre de mots, c’est encore plus impressionnant : on passe de 22,67 millions de mots à 42,45 millions de mots en 2021, une hausse de 87,3% !
C’est clairement le code du Travail qui a le plus enflé : il passe de 4981 articles en 2002 à 10840 articles en 2021… le code de la construction et le code de l’urbanisme arrivent derrière avec une belle inflation d’articles aussi… de la norme pour la construction… Vient ensuite un code qu’on connait bien : le code des impôts qui passe de 1938 articles à 2399 articles…
Tout simplement, déjà, accepter d’évaluer en permanence la charge administrative qui pèse sur nos ménages et nos entreprises comme cela se pratique aux Pays-Bas, en Belgique ou en Allemagne. Cela fait des années que la France refuse de faire une vraie évaluation du coût de la norme qui pèse pourtant en milliards. Il faudrait pourtant le faire aux deux bouts de la chaîne : lors de leur création côté exécutif et Parlement et du côté des administrés eux-mêmes périodiquement (entreprises, particuliers etc.).
Et aussi évaluer chaque loi avant de la voter. Nos études d’impact sur les lois ne sont pas à la hauteur – leurs chiffrages sont en dessous de tout – d’où le fait qu’on détruit de la richesse par la complexité, l’abus de normes administratives. Et ce n’est pas la faute à la transposition européenne qui en 2020 représente 4 lois seulement …