Plus de deux ans après une relaxe générale, la justice se prononce ce mercredi en appel à Paris sur le sort des cinq ex-coprévenus de Bernard Tapie dans l'affaire de l'arbitrage controversé du Crédit Lyonnais en 2008, sur lequel pèsent des soupçons d'escroquerie.
La décision de la cour d'appel devait initialement être rendue le 6 octobre mais elle a été reportée après le décès, trois jours plus tôt à 78 ans, de Bernard Tapie, des suites d'un cancer.
Pour l'homme d'affaires, la procédure en reste à la relaxe prononcée en juillet 2019 : la cour d'appel a constaté la fin des poursuites pénales à son encontre. Le parquet général avait requis cinq ans d'emprisonnement avec sursis et 300.000 euros d'amende contre l'ancien ministre.
Mais la juridiction doit rendre une décision très attendue par les cinq hommes jugés à ses côtés, dont le patron d'Orange Stéphane Richard (60 ans) contre lequel le ministère public a requis de la prison ferme et une lourde amende et qui joue son avenir au sein de l'opérateur.
Ce mercredi, la cour d'appel doit trancher dans un dossier où l'accusation a, de nouveau, demandé des condamnations pour un «stratagème frauduleux». La défense a plaidé en chœur une nouvelle relaxe, assurant notamment que l'escroquerie était «fabriquée» et les faits «tordus».
Le parquet général a requis trois ans d'emprisonnement dont un ferme et 100.000 euros d'amende à l'encontre de Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, jugé pour complicité de détournement de fonds publics.
Pour ne pas avoir formé de recours contre la sentence arbitrale, Christine Lagarde a été reconnue en 2016 coupable de «négligence» mais dispensée de peine par la Cour de justice de la République.
Le ministère public a aussi demandé trois ans de prison avec sursis et 300.000 euros d'amende pour l'un des trois arbitres aujourd'hui âgé de 95 ans, Pierre Estoup, absent de la quasi-totalité des deux procès pour des raisons de santé.
Pour l'avocat historique de Bernard Tapie, Maurice Lantourne, 65 ans, les avocats généraux ont réclamé la même peine, avec trois ans d'interdiction professionnelle.
l'arrêt ne marquera pas la fin des procédures
La sanction la plus lourde a été requise à l'encontre de Jean-François Rocchi, 66 ans, ancien responsable d'une entité chargée de gérer le passif du Crédit Lyonnais : trois ans d'emprisonnement dont deux ferme, ainsi que 100.000 euros d'amende.
Trois mois avec sursis et 10.000 euros d'amende ont enfin été réclamés contre Bernard Scemama, 78 ans, lui aussi à la tête d'une structure de défaisance.
Dans tous les cas, l'arrêt de la cour d'appel ne marquera pas la fin des procédures dans ce dossier tentaculaire.
Afin de rembourser les sommes perçues, la justice commerciale examine depuis plusieurs années les échéanciers proposés par les anciennes sociétés de Bernard Tapie. En avril 2020, elles ont été placées en liquidation judiciaire - la cour d'appel se penche à nouveau sur le sujet le 9 décembre.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a aussi été saisie en mai, pour la première fois, de la légalité de la vente d'Adidas par le Crédit Lyonnais.
Une affaire née il y a trente ans
L'affaire constitue l'un des volets du titanesque litige né il y a près de trente ans entre Bernard Tapie et sa banque historique, le Crédit Lyonnais, autour de la revente de l'équipementier sportif Adidas au début des années 1990.
En 2008, un arbitrage privé, censé mettre fin aux procédures, conclut à une «faute» de l'ex-banque publique et attribue 403 millions d'euros à l'ex-patron de l'Olympique de Marseille, dont 45 millions au titre de son préjudice moral.
La sentence fait immédiatement polémique et sera finalement annulée au civil pour «fraude» en 2015. Bernard Tapie est condamné à rembourser. En parallèle, une enquête pénale est ouverte sur des soupçons de «truquage» de l'arbitrage en faveur de l'entrepreneur.
A l'issue du premier procès, le tribunal blanchit Bernard Tapie et ses coprévenus, estimant qu'«aucun élément» ne permet d'affirmer l'existence de «manœuvres frauduleuses». Le parquet fait appel.
A l'automne 2020, un deuxième procès débute, rapidement suspendu du fait de la dégradation de l'état de santé de Bernard Tapie. Les audiences reprennent au printemps 2021 en sa présence, mais se terminent sans lui, à nouveau empêché par la maladie.