Une triste réalité au beau milieu d'une pandémie : environ un lit sur cinq est actuellement fermé au sein des hôpitaux publics français. D'après les résultats de l'enquête menée par le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, cette situation est due au manque de soignants.
Ce travail de recherche a été lancé au début du mois et révélé ce mercredi 27 octobre, par Libération. Aidé notamment de la logistique des directeurs de CHU, Jean-François Delfraissy, qui est également président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), souhaitait faire un «point instantané» sur le nombre de lits indisponibles.
Il a découvert que sur les 387.000 lits déclarés disponibles sur le papier, au moins 20% ne sont en réalité par opérationnels dans les CHU et CHR français. En septembre dernier, un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) évoquait déjà 5.800 lits «d'accueil en hospitalisation» fermés, rien que pour l'année 2020.
En cause, notamment, les départs nombreux d'infirmières, d'aides-soignantes mais aussi de médecins titulaires. Ils ont, tour à tour, été déçus par le Ségur de la santé, entravés par le manque de moyens et lessivés par la pandémie. Interrogé par Libération, le docteur Patrick Goldstein, chef des urgences du CHU de Lille et patron du Samu du Nord, parle d'une «crise des valeurs». «Le monde d'aujourd'hui à l'hôpital est pire que celui d'hier», selon lui, et les soignants sont victimes d'un «mal-être massif», d'une «démotivation».
L'absentéisme en hausse
Résultat : aux départs viennent s'ajouter les difficultés de recrutement et l'absentéisme. Concernant ce dernier, la moyenne nationale est d'environ 11%, alors qu'elle tournait autour «de 8 à 9% avant l'épidémie de Covid», explique François-René Pruvot, président de la conférence des présidents de commission médicale d'établissement de CHU. Le chiffre atteint 12% au sein des hôpitaux publics marseillais et lillois et, d'après les données récoltées par Libération, l'absentéisme pointe à 9,5% à Paris, contre 8% avant la crise sanitaire.
Une réalité que le ministre de la Santé, Olivier Véran, n'essaie pas de nier. Il admet qu'«un certain nombre d'unités dans des hôpitaux sont obligées de fermer [...] ou de réduire la voilure, faute de soignants». Il considère que le problème est surtout «de pouvoir en recruter» mais reconnaît que les démissions «augmentent plus significativement entre 2020 et 2021 qu'entre 2019 et 2020».
Dans le même temps, Olivier Véran semble vouloir tempérer : il juge les fermetures d'unités «temporaires» et estime que les départs de soignants «restent néanmoins dans des proportions modérées». Précisant qu'il ne dispose pas «de médecins cachés dans le placard qui attendent qu'on appuie sur un bouton pour les déployer dans les hôpitaux», le ministre défend l'action du gouvernement. Il rappelle avoir ouvert des places en médecine et dans les écoles d'infirmières pour tenter de pallier le problème et ajoute : «Tout cela prend du temps».