Bernard Tapie est mort ce dimanche 3 octobre, à l'âge de 78 ans, des suites d'un cancer. Tour à tour chanteur, acteur, homme d'affaires, ministre et entrepreneur, cet homme multiple se sera battu jusqu'au bout, forçant l'admiration de ses fans, mais aussi celle de ses adversaires.
En 1986, Bernard Tapie, alors propriétaire des piles Wonder, n'avait pas hésité à se mettre en scène pour vanter leur mérite. De l’énergie, il en avait assurément à revendre et c'est sans doute cela qui lui a permis d'embrasser mille vies en une seule.
C’est aussi grâce à cette énergie folle, mêlée à une certaine forme de courage teintée de hargne, que ce fils d'un ouvrier et d'une aide-soignante a su s'imposer dans le monde des Affaires. La marque de fabrique de ce business man : reprendre des entreprises en faillite pour les redresser et les revendre ensuite.
En 1990, alors qu'il n'avait pas encore 50 ans, Bernard Tapie s'était ainsi illustré en rachetant Adidas, l’affaire, avait-il dit alors, de sa vie. Mais si le célèbre équipementier sportif le poussera résolument sous les projecteurs, l'entreprise le conduira aussi dans les méandres de la justice.
Sa carrière politique, elle, avait démarré par une rencontre avec François Mitterrand, tombé sous son charme. Le président socialiste n'hésitant pas à le nommer, en 1992, ministre de la Ville.
Toujours sûr de lui, fanfaron pour certains, doté d'un panache français indéniable pour les autres, Bernard Tapie sera du reste le seul membre du gouvernement de l'époque à avoir accepté d’affronter Jean-Marie Le Pen lors d’un débat sur l’immigration.
Une assurance qui impressionne ou dérange
Mais si son assurance impressionne, elle dérange parfois au plan politique. Des voix dénoncent notamment un conflit d’intérêt entre sa fonction de ministre et de chef d’entreprise. Dans ce contexte, Tapie est contraint de revendre rapidement Adidas pendant son mandat. Le début d'un très long feuilleton judiciaire avec le Crédit Lyonnais.
Pas de quoi pour autant arrêter cet infatigable touche-à-tout, loin de là. Pour beaucoup de Français, Bernard Tapie c’est d'ailleurs et surtout le foot avec l’Olympique de Marseille. Un club dont il est resté le boss pour les supporters de l’OM. Car c'est bien à Tapie, Parisien de naissance, que les Phocéens doivent d'avoir remporté en 1993 le trophée de la ligue des champions face au Milan AC. A Marseille, le respect et la reconnaissance des supporters envers Tapie sont telles qu'en apprenant sa maladie, ils ont d'emblée tenu à lui rendre hommage.
La finale remportée de 1993 marque du reste l'apothéose d'une histoire démarrée avec l'OM en 1986, club que Bernard Tapie avait racheté pour 1 Franc symbolique. A Marseille, Bernard Tapie s'est aussi illustré pour avoir engagé de jeunes espoirs, comme Jean-Pierre Papin, Eric Cantona, Basile Boli, l'actuel capitaine de l'équipe de France Didier Deschamps, Marcel Desailly, ou encore Fabien Barthez. Tous deviendront au fil des années des stars confirmées du ballon rond.
Artiste, sportif... Tapie sans interdits
Parmi les autres cordes à son arc, après la télévision dans les années 1980, Bernard Tapie s'était également essayé au cinéma. En 1996, il était ainsi à l'affiche du film de Claude Lelouch «Hommes, femmes, mode d'emploi», avant de s'afficher sur TF1 avec la série Commissaire Valence (2003-2008). L'acteur n'en restera pas moins un inépuisable entrepreneur. L'un de ses derniers gros coups s'étant fait d'ailleurs en 2012 par le rachat du groupe de presse La Provence.
Une vie - ou des vies - bien remplie en somme, dévalée parfois à toute allure sur son vélo, l'autre sport de son coeur. Concernant le cyclisme, il s'était d'ailleurs investi professionnellement en rachetant l'équipe «La Vie Claire», en permettant à Bernard Hinault de gagner son cinquième Tour de France en 1985.
Mais ces dernières années, affaibli par la maladie, son existence s'en était trouvée immanquablement ralentie. Dominique, sa femme depuis plus de trois décennies et mère de ses deux derniers enfants, Laurent et Sophie, restant au plus près de lui. Comme lors de cette terrible nuit d'avril 2021 où le couple fut ligoté et frappé par des cambrioleurs qui s'étaient introduits dans leur maison de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne).
Les photos de leurs visages tuméfiés avaient alors fait le tour des médias et des réseaux sociaux, l'opinion étant révulsée que l'on puisse s'en prendre à un homme dont la grave maladie était connue de tous. Une attaque effroyable mais finalement insignifiante au regard de ce destin exceptionnel, hors du commun, et irrésistiblement français. Les mille vies de Bernard Tapie, chaque seconde menée tambour battant. Et une existence pour laquelle il estimait avoir eu beaucoup de chance.