Emmanuel Macron, dont le nom apparaît dans la liste des potentielles cibles, n'aurait pas été espionné par le logiciel controversé. C'est ce qu'un haut responsable du géant israélien de cybersécurité NSO a soutenu mercredi, alors que le président a décidé de réunir un conseil de défense «exceptionnel» dédié à cette affaire dès ce jeudi matin.
Mercredi, Chaïm Gelfand, un haut responsable du groupe, a ainsi déclaré à la chaîne I24 news, basée à Tel-Aviv : «Je peux vous affirmer avec certitude que le président Macron n'était pas une cible». «Il y a certains cas qui ont été révélés, qui nous gênent», a-t-il ajouté. «Nous continuons à essayer de déterminer tous les faits et cela remonte à plusieurs années, donc il faut du temps pour tout passer en revue. Le fait qu'un journaliste ou un militant ait été la cible d'un système comme celui-ci est automatiquement considéré comme un détournement», a-t-il affirmé.
Dès ce jeudi, le président Emmanuel Macron réunit un conseil de défense «exceptionnel dédié à l'affaire Pegasus et à la question de la cybersécurité». «Le président de la République suit au plus près ce dossier et prend cette affaire très au sérieux», a souligné le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Inter, en rappelant que la France poursuivait ses investigations.
Emmanuel Macron, le roi du Maroc, le Premier ministre pakistanais et plus de 180 journalistes
Les organisations Forbidden Stories et Amnesty International ont obtenu une liste de 50.000 numéros de téléphone, sélectionnés par les clients de NSO depuis 2016 pour être potentiellement surveillés, et l'ont partagée avec un consortium de 17 médias qui ont révélé son existence dimanche. Le président français Emmanuel Macron, le roi du Maroc Mohammed VI et le Premier ministre pakistanais Imran Khan figurent sur la liste des cibles potentielles de Pegasus, tout comme plus de 180 journalistes à travers le monde qui auraient été espionnés par différents Etats ayant eu accès au logiciel de la société NSO. Introduit dans un smartphone, Pegasus permet d'en récupérer les messages, photos, contacts, et d'activer à distances les micros.
L'organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) a demandé mercredi au gouvernement israélien d'imposer dès à présent un moratoire sur la vente de ce logiciel espion. Permettant non pas de protéger des systèmes informatiques, mais de les infiltrer, Pegasus est considéré comme un produit de cybersécurité offensif et doit donc obtenir le feu vert du ministère israélien de la Défense pour être vendu à des pays tiers, au même titre qu'une arme. «Des logiciels développés par les firmes israéliennes comme Pegasus de NSO mettent clairement en cause l'Etat d'Israël. Même si les autorités israéliennes ne jouaient qu'un rôle indirect, elles ne peuvent échapper à leur responsabilité», a indiqué RSF dans un communiqué.
Un moratoire demandé
«Nous demandons au Premier ministre (israélien) Naftali Bennett d'imposer immédiatement un moratoire sur les exportations de technologies de surveillance tant qu'un cadre réglementaire protecteur n'a pas été établi», a déclaré le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Contacté par l'AFP, le bureau de M. Bennett, n'a pas répondu. Ancien ministre de la Défense qui a fait fortune dans la haute technologie avant de se lancer en politique, ce dernier a défendu mercredi ce secteur en plein essor en Israël, sans commenter le dossier NSO. «Pour chaque 100 dollars investis dans la cyberdéfense à travers le monde, 41 dollars sont investis dans des firmes israéliennes», a-t-il déclaré, attribuant la prospérité locale du secteur aux unités d'élite de l'armée qui servent d'incubateur pour les start-up locales.
Peu après dans la journée de mercredi, le groupe basé à Herzliya, ville verdoyante au nord de Tel-Aviv, s'est dit victime d'une campagne «vicieuse et calomnieuse», et a annoncé dans un communiqué qu'il «n'allait plus répondre aux questions des médias» sur l'affaire Pegasus. «NSO est une compagnie de technologie. Nous n'opérons pas les systèmes, ni n'avons accès aux données de nos clients, mais ils sont obligés toutefois de nous fournir ces informations en cas d'enquêtes», a ajouté le groupe, disant que le fait qu'un nom apparaisse sur la liste des 50.000 «ne signifie pas nécessairement qu'il a été la cible de Pegasus».