Valérie Bacot a été condamnée à quatre ans de prison dont trois avec sursis le 22 octobre dernier pour le meurtre de son ancien beau-père, devenu son mari. Auditionnée au Sénat ce jeudi 4 novembre, elle s’est confiée sur les coups, les viols et la prostitution dont elle a été victime.
«Je vis dans le présent, je pense au futur mais intérieurement, je vis dans le passé. C’est très compliqué pour moi», a-t-elle concédé devant la délégation aux Droits des femmes du Sénat, dans des propos rapportés par Public Sénat.
Accompagnée de son avocate Me Nathalie Tomasini, Valérie Bacot a expliqué avoir fait face à l’omerta de l’ensemble des acteurs faites aux femmes. Elle a évoqué une anecdote glaçante pendant son entretien au Sénat, relatant les propos d’un gendarme lors de la reconstitution de son affaire. «C’est bien chez vous parce qu’on a le restaurant à côté, le dessert et la pipe après».
Une phrase qui illustre parfaitement le combat acharné menée par la femme de 40 ans, aujourd’hui libre après avoir purgé une année de prison en détention provisoire. Violée par son frère dans sa jeunesse, Valérie Bacot a détaillé le rôle horrible tenu par sa mère, qui a toujours couvert ses agresseurs plutôt que de protéger sa fille. Une posture maternelle à l'origine des nombreuses années de silence vécues par la victime, dès l'enfance jusqu'au crime commis en 2016.
Violée dès l’âge de 12 ans
Son histoire n'est du reste pas sans rappeler celle de Jacqueline Sauvage, qui avait tué son mari Norbert Marot après plusieurs décennies de violences conjugales et de sévices. La condamnation de cette femme, en première instance puis en appel, à une peine de dix ans d'emprisonnement, avait suscité une vive polémique, avant l'octroi d'une grâce présidentielle, faite par François Hollande en 2016.
Valérie Bacot, auteure de "Tout le monde savait" témoigne au #Sénat : "Quand j’étais petite, je ne comprenais pas (...) Ma mère m’a fait ressentir que ce que mon frère m'avait fait ce n’était pas grave, que c'était ma faute. #ViolencesSexuelles #Femmes pic.twitter.com/iUSzLqrakK
— Public Sénat (@publicsenat) November 4, 2021
De son côté, Valérie Bacot a rencontré son futur mari alors qu'elle n'était âgée que de 12 ans. Daniel Polette, de vingt-cinq ans son aîné, était à l'époque le compagnon de sa mère. Très vite, il a commencé à abuser d'elle sexuellement. «Tous les soirs après l'école, il venait et il me disait : "Tu montes"», avait raconté Valérie Bacot, de façon poignante, dans l'émission Sept à Huit, diffusée en juin dernier sur TF1. «Je savais ce que ça voulait dire.»
La mère de Valérie n'a jamais réagi. C'est une sœur de Daniel Polette qui l'a finalement dénoncé à la justice, et fait envoyer derrière les barreaux. Condamné à quatre ans de prison pour viol sur mineur de moins de 15 ans, il est finalement sorti au bout de deux ans et demi. De manière incompréhensible, il a alors réintégré tranquillement le domicile familial et les viols ont repris.
Enceinte de son violeur
L'horreur ne s'est pas arrêtée là. A 17 ans, Valérie est tombée enceinte. Daniel Polette a alors décidé de louer un appartement et de s'y installer avec elle. La mère de Valérie ne s'y est pas opposée. Au contraire, elle a même aidé sa fille à préparer ses cartons. «Je n'avais pas 36 solutions», raconte Valérie Bacot, la voix tremblante. «Sinon, j'aurais été à la rue, et enceinte. Je n'avais personne autour de moi.»
Valérie et son beau-père ont alors emménagé à Baudemont (Saône-et-Loire) et se sont mariés en 2008. Le couple a eu quatre enfants, au total : trois garçons et une fille. La famille a alors vécu repliée sur elle-même et Valérie Bacot n'avait aucune vie sociale. Son époux, chauffeur poids lourds, s'est d'ailleurs opposé à ce qu'elle travaille. Au quotidien, il a continué à lui faire vivre un enfer. «Ça commence par les insultes, les claques. Il revient toujours en disant : "Excuse-moi, je ne le referai pas. Mais c'est à cause de toi, tu me pousses à bout."»
Au fil des années, Daniel Polette est allé de plus en plus loin. Jusqu'à menacer Valérie avec un pistolet. «Ça lui arrivait de tirer (...). Et après il me disait "Tu as de la chance, ce n'est pas aujourd'hui, il n'y a rien dedans. Mais la prochaine fois, je ne te louperai pas"». Peu à peu, il a instauré un climat de terreur où il pouvait faire «ce qu'il veut» de Valérie, y compris la prostituer.
Pendant quatorze ans, il l'a ainsi forcée à faire des passes sur des aires d'autoroute, dans le monospace familial. Il lui donnait des indications par oreillette. «J'encaisse, parce que si je ne le fais pas, il me frappe», explique Valérie.
Deux plaintes non reçues
«La seule chose à laquelle je pense, c'est protéger mes enfants», ajoute-t-elle. Ceux-ci ont déjà essayé de porter plainte deux fois. Mais on les a «envoyé paître, parce que c'était des gamins». Valérie, elle, n'a jamais osé se rendre au commissariat. Elle était terrifiée à l'idée que son mari soit interrogé et rentre ensuite chez eux. Elle n'a pas osé non plus s'enfuir avec ses enfants, parce qu'elle avait «peur de lui. J'avais peur qu'il nous retrouve et qu'il nous fasse du mal».
Le cauchemar a pris fin le 13 mars 2016. Forcée encore une fois de se prostituer, Valérie Bacot est confrontée à un client violent. Elle refuse de se «laisser faire». Dans l'oreillette, son mari lui promet qu'elle va «le payer». Valérie a alors saisi une arme - que Daniel Polette gardait toujours dans le monospace - et l'a tué d'une balle dans la nuque.
Ses enfants l'ont ensuite aidé à cacher le corps. «La seule chose à laquelle je pensais, c'était de lui mettre de la terre dessus, parce que j'avais peur qu'il ressorte», raconte Valérie Bacot, âgée de 35 ans au moment des faits. Le corps de son mari a été retrouvé un an et demi plus tard. Valérie a été arrêtée et elle a passé un an en détention provisoire, avant d'être libérée sous contrôle judiciaire.
Valérie Bacot a aujourd'hui trouvé du travail dans le secteur du bâtiment. Un comité de soutien a été créé pour elle, et une pétition réclamant son maintien en liberté a déjà récolté 192.000 signatures. La mère de famille estime cependant mériter sa peine. «J'ai quand même enlevé la vie à quelqu'un», explique-t-elle dans l'émission Sept à Huit. «C'est complètement normal que j'aille en prison pour ce que j'ai fait (...) Je considère ça un peu comme mon procès, mais comme son procès à lui aussi. Je le vois un peu comme mon dernier combat contre lui.»