La suspension du vaccin AstraZeneca, en France et dans d’autres pays européens, soulève doutes et interrogations. Alors que le Premier Ministre Jean Castex affirmait qu’il fallait avoir confiance, le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé sa suspension pendant 48 heures, malgré des avis favorables de l’OMS et de l’Agence de sécurité du médicament. Cette suspension, au nom du «principe de précaution», est-elle donc justifiée ?
Thromboses ou embolies pulmonaires : l’apparition de caillots de sang chez quelques patients vaccinés avec AstraZeneca inquiète. La Suède, la Norvège, l’Irlande, et plus récemment, l’Allemagne et la France, ont suspendu la vaccination avec le produit élaboré par Oxford, en l’attente des conclusions de l’Agence européenne des médicaments, au nom du «principe de précaution».
Un principe de précaution alimenté par le partage de nouvelles données venant d’Allemagne, selon Dr Christophe Bardin, praticien Hospitalier en Pharmacologie-Pharmacie à l’hôpital Cochin à Paris et membre du Comité scientifique sur les vaccins Covid-19. «Jusqu'à ce weekend, toutes les données françaises et d'autres pays n'émettaient pas de signal alarmant. Mais effectivement, depuis lundi, l'Allemagne a partagé des données de pharmacovigilance qui, d'un point de vue statistique, sont un tout petit peu préoccupantes, qui laisse penser qu'il y a un signal qui nécessite d'être exploré», indique l’expert. «Tant qu'on n'a pas de réponse aux questions qu'on ne pose, il est logique de se dire que l'on suspend.»
Des données d'Allemagne surveillées
Si ces expertises sont en cours, aucun lien n’a pour le moment été établi entre ces thromboses et la vaccination avec AstraZeneca. La trentaine de cas de thromboses recensés en Europe, sur l’ensemble de la population vaccinée, reste, selon les scientifiques, en deçà de l’incidence que l’on retrouve spontanément dans la population.
Ces nouvelles données venues d’Allemagne montrent un niveau d’incidence un peu supérieur à celui que l’on retrouve naturellement : 7 cas ont été identifiés sur 1,7 million de vaccinés. Des investigations sont donc nécessaires, mais «la pharmacovigilance prend du temps», rappelle Dr Bardin, qui explique que dans ce cas de figure, les dossiers médicaux de tous les patients présentant des effets indésirables sont passés au peigne fin.
Conséquences sur le calendrier vaccinal
De son côté, l’épidémiologiste Martin Blachier a affirmé sur l’antenne de CNEWS : «la Grande Bretagne a vacciné 11 millions de personnes et n’a strictement rien eu. Il y a eu un principe de précaution extrême, et je ne sais même pas si on peut parler d’un principe de précaution, puisque la bonne précaution c’est de vacciner les gens qui vont en réanimation.»
La suspension d’AstraZeneca aura-t-elle des répercutions sur la campagne de vaccination ? «Tout va dépendre de la durée de la suspension. Si on reste sur un registre de quelques jours, l'impact va être très minime», affirme Christophe Bardin. Dans le cas d’une suspension plus longue, le gouvernement devra sans doute revoir sa stratégie, et possiblement orienter les personnes vers les autres vaccins disponibles en France, donc les vaccins à ARN Pfizer et Moderna. «C'est pour cela que cette suspension, tout à fait légitime et logique, devrait être la plus courte possible pour ne pas avoir d'effets trop importants sur la campagne», préconise le docteur en pharmacologie.
Concernant la deuxième injection, il ne devrait pas y avoir de conséquence, la vaccination ayant débuté en février et le délai entre les deux injections étant de 12 semaines.
Que se passe-t-il si le lien est avéré ?
Si pour le moment les différentes agences semblent plutôt optimistes quant à la ré-autorisation du vaccin AstraZeneca, se pose la question de quoi faire en cas de corrélation entre ces thromboses et la vaccination. Selon Christophe Bardin, l’interdiction pure et simple d’AstraZeneca reste «très peu plausible», mais il se pourrait que la campagne ne reprenne pas exactement comme avant.
«Il pourrait y avoir des options, comme pour tout un tas de médicaments. Après leur autorisation, les médicaments ont tous une vie. On apprend des choses sur eux, et on arrive à identifier les personnes chez qui ces médicaments sont les plus bénéfiques et les moins à risque». De cette manière, si une corrélation est établie, on peut imaginer que les scientifiques arrivent à déterminer des facteurs de risque, et ainsi orienter les patients concernés vers d’autres vaccins.