Le 17 mars 2020, la France entamait son premier confinement pour tenter de stopper l'épidémie de coronavirus. Très vite, les associations qui viennent en aide aux plus précaires ont dû s'adapter.
Et un an plus tard, elles continuent de voir leur activité bouleversée par les effets de la pandémie. Parmi ces personnes en difficulté, «des gens qui ont perdu beaucoup d'avantages durant l’année, comme leur travail» et «qui se retrouvent en situation de galère», a confié à CNEWS Youssef Naggaoui, fondateur de l’Association Nazario, située aux Ulis (Essonne), et qui vient en aide en distribuant des colis alimentaires. Jusqu’à environ 300 durant le premier confinement.
«Au mois de février, on a donné 240 colis pour 204 familles. Ca fait 579 personnes de touchées», détaille Youssef. «Avec le confinement, ça a pris de l’ampleur car les gens ont vu ce qu’on faisait», partage le jeune homme dont l’association avait notamment distribué des repas au personnel hospitalier. En 2020, elle a pu «distribuer environ 90.000 euros de denrées alimentaires ou matérielles». «Je ne me serais jamais attendu à ça», s’étonne encore le coordinateur des actions.
L’équipe de bénévoles a quasiment doublé et s'appuie désormais sur une centaine de membres. Les actions engagées ont également attiré l'attention de la mairie des Ulis qui, durant un temps, a mis un local à disposition de l’association. Grâce à cela, elle a pu agir pour «essayer de régler le fond du problème».
Une inquiétude pour l'avenir des jeunes
«Tu as des familles qui ont du mal à remplir leurs papiers, constate Youssef. Alors on aide pour les démarches administratives. On a déjà débloqué pas mal de situations où les gens ne touchaient rien et maintenant ils obtiennent une aide».
Une réussite qui soulage l’association car ces bénéficiaires arrivent ensuite «à se débrouiller tout seul». Depuis un an, l’Association Youssef Nazario «s’est mise en relation avec des organismes». «Par le bouche-à-oreille, on nous contacte pour leur ramener des jeunes, afin qu’ils travaillent. Certains sont partis en formation, d’autres ont obtenu des CDI, des stages, d’autres ont pu passer leur permis avec un tremplin citoyen mis en place par le département», se satisfait le fondateur.
Une aide aux jeunes dans la lignée du virage opéré par l’association depuis le premier confinement. Mais le chemin est encore long pour Youssef : «Je sens que c’est parti encore pour quelques années. Le Covid a mis une claque à tout le monde», constate-t-il. Il s'inquiète pour «les jeunes qui vont rentrer sur le marché du travail».
A côté des aides alimentaires et matérielles, l'Association La Rue Tourne apporte aussi d'autres formes de soutien à ses concitoyens les plus précaires. «Sur Paris, les besoins alimentaires étaient plutôt bien comblés», nous a confié Heger Barkati, une des cofondatrices de l'asso qui organise au moins deux fois par mois des maraudes dans les rues de Paris.
«redonner de l’humanité»
Durant celles-ci, ses équipes arpentent donc les rues de la capitale pour «sensibiliser sur les dangers de la précarité et les bénéfices de la solidarité». La Rue Tourne a été créée pour «chiller (se détendre), discuter et écouter des sons» pour «redonner de l’humanité» à «un public qu’on cantonne à un groupe qui rend les parcours invisibles».
Chaque année, l'association parvient également à distribuer entre «200 et 300 tentes» pour ceux qui vivent dans la rue, «parfois aidée par des grosses boîtes comme Décathlon».
Si le confinement a mis un coup d'arrêt à l'activité de l'asso -«Ça nous a coupé l’herbe sous le pied», se rappelle Heger-, cette dernière et ses membres ont mis ce temps à profit pour préparer «un plan d’attaque» pour s'adapter aux mesures sanitaires.
Au déconfinement, l’asso a remué ciel et terre pour «trouver du gel hydro alcoolique». «J’en ai acheté à un garage de voitures à Sarcelles. On a aussi commandé des bouteilles et on a dû en distribuer environ 200 dans la rue», confie Heger.
La Rue Tourne a également œuvré pour distribuer des masques : «On a pensé à confectionner des masques en tissu mais on s’est dit qu’ils ne seraient pas tout le temps lavés et seraient des nids à microbes».
«Dans cette période dégueulasse, tout un essor de solidarité»
À prix d’or, Heger s'est procurée des masques chirurgicaux : «J’avais acheté deux boîtes de 50, j’en avais eu pour 90 euros. A ce moment-là c’était le Saint-Graal d’en avoir 50».
Vous le sentez vous aussi ?
Comme une odeur de printemps dans l’air
Et ce n’est pas une raison pour se relâcher, hiver comme été, on lâche pas le terrain.
2 dates 6 et 21 mars https://t.co/qc5qQjkape pic.twitter.com/507pzS0SuL— La Rue Tourne (@LRTourne) February 24, 2021
Les mesures sanitaires ont forcé l’association a limiter le nombre d’adhérents à chaque maraude. «Au début on s’est dit qu’on allait marauder entre adhérents seulement, alors que d’habitude c’est ouvert aux autres. On s’est dit qu’il fallait voir si notre mode de fonctionnement était pérenne. On était 15 au début et ensuite on a ouvert au public car il y avait de la demande».
A maximum 5 par squad, La Rue Tourne sillonne «cinq, six secteurs» dans la capitale. «Les plus animés : Chatelet, République, Gare de Lyon, Gare de l’Est, Saint Michel et Saint-Lazare, des quartiers qu’on connaît très bien aujourd’hui», souligne Heger.
Cette période compliquée, qui souffle sa première bougie ce mercredi, a permis à celle qui travaille dans un centre social dans le Val-d'Oise (95) de se rendre compte de la solidarité des Français : «Dans cette période dégueulasse, il y a tout un essor de solidarité. Par exemple, tout un tas de mamans du quartier ont confectionné des masques».
Elle n’en oublie pas moins ces femmes dans la rue, «moins visibles». «C’est un viol toutes les huit minutes, de la violence verbale, des harcèlements… Les confinements ont accru les violences conjugales et généralement c’est la femme qui se sauve ou encore les enfants qui se font davantage cogner dessus à la maison», alerte la cofondatrice de La Rue Tourne, avec l'espoir qu'on ne reparte pas pour une année supplémentaire.