Jugé «opaque», «régressif» ou encore «flou», l'accord trouvé entre les opérateurs de téléphonie mobile et la Mairie de Paris en vue du déploiement de la 5G dans la capitale est loin de faire l'unanimité au sein des élus parisiens. A tel point que le vote de celui-ci, nécessaire pour activer les antennes 5G et prévu ce mercredi 10 mars lors du Conseil de Paris, semble impossible en l'état.
Sans suprise, les élus Ecologistes sont les premiers à monter au front, alors qu'ils avaient été les premiers à dénoncer «le passage en force» de la Mairie de Paris «annoncé par voie de presse» au sujet de la nouvelle version de la Charte parisienne de téléphonie mobile. Ils avaient alors jugé le texte «régressif» par rapport à l'ancienne version, notamment à cause du raccourcissement des délais d'instruction des demandes d'installation de nouvelles antennes. La nouvelle Charte prévoit en effet un mois de délais, contre deux mois auparavant.
Clause de revoyure et moratoire
Ils avaient aussi regretté que la Charte ait été signée «pour une durée de 5 ans avec une reconduction tacite» et ce, «sans clause de revoyure» qui permettrait de réexaminer le texte au terme d'une période d'expérimentation. Cinq amendements seront donc déposés par le groupe, visant notamment à «améliorer significativement l’information et la concertation des habitants». Pour l'élu écologiste en charge du dossier, Emile Meunier, l'arrivée de la 5G à Paris va «entraîner un surplus d'émissions de CO2, qu'il faut absolument compenser» notamment via la mise en place d'«obligations environnementales» qui devront être respectées par les opérateurs.
Concrètement, l'élu réclame une «parfaite transparence sur le parc des antennes», un engagement de la part des opérateurs de téléphonie mobile au sujet des «mesures environnementales» ainsi que des «rendez-vous réguliers» en fonction des conclusions des différentes études sanitaires et environnementales attendues dans les prochains mois. Si ces trois principes ne sont pas intégrés à la nouvelle Charte, Emile Meunier assure que celle-ci «ne sera pas au niveau» et que son groupe votera donc contre. «On ne peut pas d'un côté dire qu'on veut respecter l'Accord de Paris et le plan climat de la Ville et, de l'autre, laisser rentrer la 5G à Paris sans conditions», a-t-il expliqué.
Un avis partagé par le groupe de la droite parisienne Changer Paris, qui prévoit également de déposer quatre amendements pour «corriger», selon David Alphand, cette «copie imparfaite». «Notre position est très claire : nous souhaitons que la 5G soit déployée à Paris, à la condition que toutes les garanties sanitaires soient données aux Parisiens», explique-t-il.
Et parmi les amendements déposés par la droite, le vice-président délégué du groupe Changer Paris cite la «sobriété numérique» et son souhait que les opérateurs s'engagent «au recyclage, au réemploi et à la réutilisation des équipements», mais aussi une meilleure information du public notamment ceux résidant dans les immeubles du parc social de la Ville de Paris, sur lesquels se trouvent de nombreuses antennes.
De son côté, Danielle Simonnet réclame la tenue d'un «moratoire sur le déploiement de la 5G dans l’ensemble de la ville de Paris face aux enjeux environnementaux et de protection des données à caractère personnel». L'élue Insoumise réclame de fait la suspension pure et simple du déploiement de la 5G, faisant valoir que «l'étude d'impact préalable demandé par la conférence citoyenne parisienne n'avait même pas été organisé».
«Cet accord est un progrès» répond la municipalité
Des attaques qui ne semblent pas faire peur à Paul Simondon, l'adjoint à la mairie de Paris chargé des finances et de ce dossier compliqué. L'élu assure en effet que cet accord trouvé autour de la réécriture de la Charte parisienne de téléphonie mobile est un «progrès» dans la mesure où elle permet, selon ses dires, «d'avoir un cadre local de régulation inédit et nettement supérieur à ceux qui existent ou plutôt n'existent pas dans certaines villes de France, telles que Bordeaux, Strasbourg ou encore Lyon, qui n'ont pas obtenu d'engagements localisés».
L'adjoint ajoute que «la Ville mettra à disposition toutes les études d’impact qui seront rendues au fur et à mesure, notamment le prochain rapport de l’ANSES ainsi que les publications de l’Ademe» et «rendra également publiques toutes les informations fournies par les opérateurs» en termes de recyclage, trajectoire carbone ou encore de protection des données.
Vers un retard du déploiement ?
Quant au calendrier de déploiement officiel, il reste encore à définir dans la mesure où la municipalité parisienne avait prévu d'attendre le vote des élus parisiens au Conseil de Paris pour rendre leurs arbitrages sur les dossiers de demandes d'activation. «Les demandes d'activation qui ont été déposées depuis novembre» seront traitées «une fois que le Conseil de Paris aura adopté la nouvelle Charte» s'est en outre engagé Paul Simondon, qui risque de repartir pour un tour de négociations avec les opérateurs.
Vent debout contre la nouvelle version de la Charte, les élus de la droite parisienne, ceux du groupe écologiste mais aussi ceux d'autres groupes comme Génération.s pourraient en effet peser dans la balance, ainsi majoritaires face à l'exécutif parisien. Si leurs amendements sont votés, la Charte devra nécessairement être réécrite et donc présentée à nouveau aux 4 signataires, Bouygues, SFR, Orange et Free.