«Jihadiste un jour, jihadiste toujours ?» Telle est la question sur laquelle s’est penchée l’Ifri, l’Institut français des relations internationales, pour élaborer un rapport concernant les programmes de déradicalisation en France.
Le PAIRS, pour «programme d’accompagnement individualisé et de réaffiliation sociale», mis en place en octobre 2018, concerne 120 personnes placées sous main de justice mais en milieu ouvert (non incarcérées) et présentant un profil de «terroriste islamiste» (TIS) ou de «détenus de droit commun susceptibles de radicalisation» (DCSR). Il doit permettre de «désengager» les condamnés de leur extrémisme religieux pour les réinsérer dans la société.
En effet, si libérer une personne présentant des signes de radicalité peut se révéler dangereux pour la société, la maintenir en détention une fois sa peine effectuée reste clairement problématique dans un Etat de droit. Quelle alternative, alors ? Les programmes de réinsertion doivent permettre de répondre à ce dilemme.
Aucune récidive chez les détenus terroristes suvis par les programmes
Selon l'étude de l’Ifri, ces programmes (le PAIRS, et son prédécesseur le RIVE, pour «Recherche et intervention sur les violences extrémistes», mis en place en 2016) présentent un premier bilan encourageant. «Parmi les dizaines de condamnés pour faits de terrorisme suivis par RIVE ou PAIRS en milieu ouvert, aucun n’a récidivé», affirme en effet son auteur, Marc Hecker, directeur de la recherche et de la valorisation à l'institut et rédacteur en chef de la revue Politique étrangère.
"Djihadistes un jour, djihadistes toujours? Un programme de #déradicalisation vu de l'intérieur" - ma nouvelle étude vient de paraître! Elle est disponible sur le site de l'@Ifri_ en français et en anglais: https://t.co/zbWbBj9H7p #djihadisme #terrorisme #radicalisation #CVE #PVE pic.twitter.com/fxh0L75nrg
— M Hecker (@M_Hecker) February 1, 2021
L’étude pointe néanmoins que des échecs existent, et que certains repassent par la case prison. Sur les 120 personnes suivies par PAIRS depuis octobre 2018, neuf «détenus de droit commun susceptibles de radicalisation» sont ainsi retournés derrière les barreaux (dont un lié à des menaces d’attentats) et un «terroriste islamiste» a été condamné à nouveau pour trafic de stupéfiants. Reste que, concernant les condamnés pour terrorisme, aucun n’a récidivé (le seul réincarcéré l’a été pour de la délinquance).
La prudence reste de mise
Malgré la prudence qu’oblige le faible nombre de personnes concernées (64 TIS dans le programme PAIRS) et le peu de recul temporel, l’optimisme est donc bien là. Le profil des TIS suivant les programmes nuance cependant ce bilan, puisqu’aucun n’appartient au «très haut du spectre» de la radicalisation.
Du côté des détenus «susceptibles de radicalisation», leur retour en prison relève le plus souvent de leur appartenance à la délinquance qu’à leur extrémisme religieux. L’Ifri appelle donc à poursuivre et étendre le dispositif PAIRS, en s’appuyant sur ces résultats encourageants.
Il pointe tout de même que le risque de récidive ne peut pas être exclu chez les individus ayant été suivis, même ceux ne paraissant pas être les plus dangereux. Et de rappeler que Chérif Kouachi, auteur, avec son frère, de l’attentat contre Charlie Hebdo (12 morts), et Larossi Abballa, qui a tué le couple de policiers à Magnanville, bien que n’ayant pas fait partie d’un programme de déradicalisation, étaient des récidivistes.