En direct
A suivre

Avoir 20 ans en 2020 : «Je me bats pour mes parents qui n'ont pas eu les mêmes chances»

Rania, 20 ans, est étudiante à Strasbourg.

«C’est dur d’avoir 20 ans en 2020». Le 14 octobre dernier, lors de son allocution télévisée pour annoncer la mise en place d’un couvre-feu, Emmanuel Macron a eu une pensée particulière pour les jeunes français dont la vie sociale, professionnelle ou étudiante a été perturbée par la crise sanitaire.

Le président français a souligné le malaise ressenti par cette frange de la population qui, «honnêtement, vi(t) un sacrifice terrible : des examens annulés, de l'angoisse pour les formations, pour trouver le premier job».

CNEWS a donc donné la parole aux concernés sur le thème : avoir 20 ans en 2020. Ils ont partagé leurs préoccupations, leurs doutes mais aussi leurs espoirs concernant l’avenir. Aujourd'hui c'est au tour de Rania, en BTS à Strasbourg.

Son année 2020

Dans l’une des régions les plus touchées par le coronavirus (troisième en nombre de décès derrière l’Ile-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes), Rania a très vite été entendu parler du virus. Une de ses camarades de classe mulhousienne «avait déjà le Covid», se rappelle la Strasbourgeoise. Mais nous on voyait ça de manière lunaire». Très vite, avec l’arrivée de «la première vague, les allocutions d’Emmanuel Macron et le confinement», elle se rend compte de l’ampleur de la pandémie.  

En stage dans une librairie depuis début novembre, elle a eu peur de ne rien faire mais le libraire ne s’est pas abattu : «Soit on coulait soit on faisait énormément de choses pour permettre de garder une activité». Ainsi, la mise en place d’un click and collect a permis à l'entreprise de fonctionner mais également d’entretenir un lien social car «les gens venaient chercher leur commande et restaient 5 à 10 minutes discuter avec nous car ça leur manquait le contact humain. C’était souvent des quinquagénaires ou des sexagénaires et ils vidaient leur petit sac (rires). Ils disaient que ça leur faisait du bien».

Les cours en ligne

Côté études, l’adaptation a été compliquée durant le premier confinement. Dans sa classe, un camarade «un peu dans le gaming, a eu l’idée de nous faire découvrir Discord». «Je ne connaissais pas du tout. Du coup, on a fait une classe entre camarades pour ne pas se laisser abattre. Si on a un TD, on le fait tous ensemble et on s’aide. On faisait également des jeux pour ne pas sombrer», confie-t-elle.

Les cours en ligne permettent de poursuivre l’apprentissage mais «ce qui manque le plus, c’est le contact humain», concède la jeune alsacienne. «D’habitude, on a des récréations. C’est tout bête et ça peut paraître enfantin mais durant ces moments, on échangeait, on discutait, on s’amusait, l’esprit était libre. J’ai plein de potes de classes qui sont des amis mais on ne peut pas échanger en réel», regrette-t-elle.

La vie sous la crise sanitaire

La crise sanitaire prive la capitale de l’Europe de son traditionnel marché de noël. «C’est grave calme sans cette institution qui est culte chez nous. Ça fait un peu bizarre. Strasbourg c’est la capitale de noël, donc là c’est terne, horrible. C’est un noël de façade cette année», souffle la Strasbourgeoise. 

Un coup au moral de plus pour une jeunesse déjà soumise à une vie sociale en berne. «En fin de cours on allait boire un café, on faisait des escape game», raconte-t-elle. 

Au final, elle préfère retenir le positif de «cette année qui était dense mais qui fait partie de notre histoire maintenant». «J’ai appris à relativiser, à voir le bonheur autour de moi. C’était compliqué car j’ai perdu mon grand-père. Il vivait en Algérie donc mon père n’a même pas pu s’y rendre pour assister à l’enterrement. Au final, c’est une année formatrice pour moi, j’en ressors grandie».

Rania ne se focalise pas sur sa situation personnelle et pense «à tous les étudiants qui étaient isolés, seuls dans leurs apparts, avec même pas un sou pour acheter à manger. Moi, j’ai la chance de vivre chez mes parents. J’avais peur pour eux mais bon ça va. Donc ça fait que je vais bien et que j’ai toujours la patate».

Ses engagements

Rania est engagée dans l’associatif depuis 2017. Année où elle a rejoint Speaker, un «média collaboratif des quartiers populaires de Strasbourg qui donne la parole aux jeunes». «Ils sont force de proposition et super engagés», ajoute-t-elle.

Celle qui ambitionne de devenir journaliste a trouvé dans cette association «ce qui (lui) manquait dans (s)a vie» et y effectue actuellement son service civique. Son emploi du temps est plutôt chargé mais elle savoure de prendre part à cette expérience qui lui a permis de «faire des événements et de rencontrer des artistes comme Oxmo Puccino ou Larry».

Son Avenir

La jeune Alsacienne est de nature positive mais surtout active : «si je me morfonds, je sais que je ne ferai rien. Mais même si je me dis que ça peut être dur, je veux devenir journaliste, j’ai des exemples qui montrent que ça peut être dur mais que j’en suis capable».

Rania préfère ne pas se projeter vers l’incertitude car «on ne sait pas ce qu’il en sera dans cinq ans, dans le monde du travail». «Ce confinement a montré l’importance de l’aspect digital, les métiers du numérique qui ont pris une grande place durant cette période. Moi en tout cas, je reste déterminée et positive», martèle la jeune alsacienne.

Sa Relation avec les aînés

Rania n’«en veut pas du tout» aux générations de ses aînés pour leurs décisions antérieures, concernant notamment l'écologie ou la société, car «ça fait partie de leur histoire». «On est en 2020, il y a dix ans déjà ce n’était pas pareil et on pouvait faire des choix différents», explique la Strasbourgeoise qui se dit «dans l’acceptation».

«Je n’étais pas apte à prendre des décisions à ce moment-là mais maintenant, en 2020, j’ai 20 ans et je suis totalement apte à manifester, à me dire "ok, ça, ça doit bouger, ça, ça doit changer", par exemple avec les lois liberticides sur la sécurité globale», affirme Rania, qui a manifesté contre le texte.

«Pareil pour l’environnement, quand tu vois une petite de 15 ans comme Greta Thunberg qui est exemplaire, tu te dis qu’à tout âge tu peux faire bouger les choses», constate l’étudiante.

Elle ressent pourtant un décalage avec les générations antérieures. Par exemple avec ses parents qui ont vécu à «une époque tellement différente». A son âge, ils travaillaient «pour leur futur» : «C’est la Old School, la vague d’immigration algérienne venue en France». «J’ai toujours eu le recul nécessaire pour comprendre ces paramètres, confie Rania. Ils ont eu la chance d’aller à l’école mais pas très loin. Pour eux, je suis la fierté de la famille».

«Quand t’écoutes des sons comme "Banlieusard" de Kery James, tu te dis que tu te bats pour eux car ils n’ont pas eu les mêmes chances, constate l'Alsacienne. J'ai pu aller à l’école, toucher une bourse. Je dois donc me prouver à moi-même que je suis capable dans le temps de faire fructifier cet héritage».

La place de la religion dans sa vie

Pour la jeune Strasbourgeoise de confession musulmane, la religion «est primordiale». «J’en discutais avec une pote. On dit souvent que la religion que l’on a est un héritage familial et que tu pratiques ta religion par habitude ou par conviction. Ce sont des questions que l’on se pose actuellement. Moi je suis contente de faire partie de cette génération qui est là, qui est dans la compréhension, dans la recherche. On se demande pourquoi il y a écrit ça, et pourquoi on doit faire ça et qu’est-ce qui explique ça etc…», détaille Rania. 

Le dernier ramadan a eu lieu pendant le premier confinement : «C’était bizarre car en général ce sont des moments où tu te retrouves à la mosquée. Ne pas les vivre dans les lieux de culte, c’est un peu tristounet mais du coup être à la maison m’a permis d’avoir du temps pour ma religion».

Elle est contente de pouvoir compter sur des amis ouverts à la discussion. Rania n’élude pas le sujet lorsqu’il est abordé avec ses camarades. «J’ai des potes qui sont à l’écoute, avec ce qu’il s’est passé avec Samuel Paty, certains peuvent vite tomber dans le "tous les musulmans sont des terroristes"», relève l'étudiante qui a eu la bonne surprise de voir certains de ses camarades réagir sur Twitter «en disant qu’ils avaient plein d’amis musulmans» et ainsi dénoncer les amalgames.

Après, le dialogue n’est pas possible avec tout le monde car «t’as toujours des cons (sic) qui ne sont pas dans l’échange». «C’est bien de communiquer mais s’il n’y pas de partage en face, ça ne sert à rien», constate Rania.

Retrouvez l'actualité Société ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités