En publiant une tribune dans le Monde à charge contre les féministes de la nouvelle génération, Mazarine Pingeot a fait réagir Twitter et crée le débat.
Habituée à se tenir loin des médias et des débats d'opinion, l'écrivaine est cette fois sortie du silence pour dénoncer ce mardi 28 juillet, dans une tribune du Monde la manière dont les jeunes femmes se «complaisent dans la morale» au lieu d'agir «de façon politique». Pour Mazarine Pingeot, la jeune génération est dénuée de «désir mais pleine de colère» : «Aujourd'hui, les femmes sont assez puissantes pour mener ce combat politique, pourquoi s'en tiendraient-elles à occuper la seule place du ressentiment et de la vengeance, de la délation et de la vindicte ? Est-ce cela la place de la femme ?» s'interroge-t-elle.
Au lendemain de la mort de Gisèle Halimi, modèle en matière de combats féministes, le texte n'a pas manqué de faire réagir les réseaux sociaux.
Un texte sur les dérives du féminisme «sans moralisme, ni maccarthysme»
D'un côté, de nombreux internautes applaudissent cette prise de parole et se reconnaissent dans ses idées, à l'instar du chroniqueur Eric Naulleau à qui la lecture de la tribune de Mazarine Pingeot «fait du bien» :
Dans Le Monde, tribune bien sentie de Mazarine Pingeot sur les dérives d’un certain féminisme. Ça fait du bien à lire... pic.twitter.com/Y0C0PHnmWF
— Eric Naulleau (@EricNaulleau) July 28, 2020
Beaucoup saluent la prise de hauteur et la réflexion dénuée de moralisme dans une société baignée dans une certaine chasse aux sorcières.
Bravo #MazarinePingeot pour ce texte qui prouve que femmes et hommes peuvent aller de l’ avant vers l’ égalité femmes-hommes, sans essentialisme, ni moralisme, ni maccarthysme https://t.co/PlMR4NGYSt
— Luc Le Vaillant (@luclevaillant) July 28, 2020
Mazarine Pingeot se demande en effet ce que pourrait devenir l'art gorgé de moralisation - «des livrets de vertu qu'on distribuera au seuil des nouvelles églises ? » -, elle épingle également les «imprecations béni oui-oui de néo-romantiques exaltés par les combats sur facebook» sans oublier de se moquer des éditoriaux «pleins de bons sentiments mâtinés de haine rances de vieilles filles», évoquant des possibles «tableaux respectant la parité, homme, femme, Noir, Blanc, vieux, jeunes, handicapés, dans des champs de blé bio et des plants de tomates en permaculture».
«Discredit», «écoeurement», «inepties»... Des féministes dénoncent vivement ce texte
Certaines féministes actuelles dénoncent vivement les propos de la penseuse qui «discrédite» les nouveaux combats féministes ou se disent écoeurées par de tels propos :
Tribune de #MazarinePingeot : "Ce mortel ennui qui me vient, devant la victoire d’extrémistes de la médiocrité au nom de "l’éthique", discréditant les combats féministes : ceux qui luttent pour l’égalité des droits, l’égalité des chances…". https://t.co/LVqMYkYrDZ v/ @tfsalomon pic.twitter.com/Uw3CsZ0dzJ
— Natacha Quester-Séméon (@NatachaQS) July 28, 2020
Ce qu'écrit Mazarine Pingeot est aussi écœurant qu'inepte. Le féminisme, ce serait "le règne de la bêtise, du mimétisme, de la libération des pulsions de haine", un nouvel ordre moral et identitaire. Elle en meurt d'ennui ? Sa morgue ne nous tuera pas ! https://t.co/dY0yPUAla0
— Camille Froidevaux-Metterie (@CFroidevauxMett) July 29, 2020
Une «bourgeoise» déconnectée des réalités ?
Pour nommer ces «néo-féministes», Mazarine Pingeot semble avoir volontairement choisi des termes forts pouvant choquer : «Ces jeunes femmes mieux loties que leurs mères et leurs grands-mères, qui ont mené la lutte pour elles, déblayé le terrain pour leur laisser en héritage de continuer le combat : les unes se sentent insultées quand un homme, de sa violence ancestrale, ose un compliment - et c'est comme une gifle en plein visage, certaines appellent ça un viol, au mépris de celles qui en ont vraiment été victimes ; les autres se déguisent en putes pour imiter les danseuses des clips de rap qui vantent l'argent facile et l'amour monnayable»; écrit-elle.
Des propos que certains ont jugé contre-productifs pour le combat féministe. Certains internautes sont, eux, loin de mâcher leurs mots et attaquent l'auteure sur sa condition de «bourgeoise» totalement déconnectée des réalités.
Je vs laisse apprécier le dégueulis de la bourgeoise #MazarinePingeot sur le nouveau féminisme publié ds le Monde. Cette phrase, je m'en remets pas : "Il y a les pauvres, celles qui pensent que cacher un bifton dans leur string est le comble de la classe". N'importe quoi ce texte pic.twitter.com/jFs7S3U23J
— Francie Foster #Team1975 (@tawnee8) July 28, 2020
Elle traite de « putes » les femmes qui osent s'habiller comme elle le veulent. Elle se discrédite elle-même.
— Matthias Laroche (@LarocheMatthias) July 29, 2020
Enfin, certains voient cette tribune comme peu digne après le décès de Gisèle Halimi comme cet activiste en réponse au tweet de Roselyne Bachelot sur la mort de l'avocate. Au contraire, plusieurs internautes s'inclinent devant cet hommage à la grande défenseuses des droits des femmes qui vient de s'éteindre.
Hommage à #GiseleHalimi femme engagée ayant milité pour l'indépendance de la Tunisie et de l'Algérie...formidable combattante pour les droits des femmes !! Cofondatrice de l'association #Attac !! Tandis que #MazarinePingeot déblatère des inepties dans #LeMonde !! @la_chouet pic.twitter.com/wRsCkAIZUO
— Voltuan-Redde (@Voltuan) July 28, 2020
Belle et courageuse tribune dans @lemondefr de Mazarine Pingeot contre le moralisme haineux et nihiliste des nouvelles et prétendues féministes et de tous les nouveaux Savonarole. Quel plus bel hommage rendre à Gisèle Halimi?
— Bruno DIVE (@DiveBruno) July 28, 2020
Cette tribune apportera-t-elle de l'eau au moulin du combat pour plus d'égalités hommes-femmes ? Divisera-t-elle plus qu'elle ne rassemblera derrière un combat ? Une chose est certaine : qu'il soit ou non du goût de certaines féministes, ce texte a le mérite de relancer le débat plus général autour de la manière de combattre.