«Pas de justice, pas de paix»: quatre ans après la mort d'Adama Traoré lors d'une interpellation dans le Val-d'Oise, proches et soutiens ont manifesté à la mémoire du jeune homme, érigé en symbole d'une mobilisation contre les violences policières et les inégalités.
La marche, qui a réuni environ 2.700 personnes selon les gendarmes, a retracé dans le calme le dernier parcours de ce jeune homme noir de 24 ans, mort dans la commune de Persan le 19 juillet 2016, peu après son arrestation, au terme d'une course-poursuite avec les gendarmes.
Après une courte prière devant la gendarmerie de Persan où Adama Traoré est mort en dépit d'une intervention des pompiers, jugée trop tardive par la famille, la marche s'est étirée jusqu'à la commune voisine de Beaumont-sur-Oise où il vivait.
Fait inédit, cet hommage est pour la première fois organisé à la fois par le Comité Adama et Alternatiba, une des principales organisations du mouvement pour le climat, au nom d'une lutte commune contre les inégalités.
«Aucun homme, aucune personne ne doit mourir de cette façon-là, à cet âge-là», a déclaré Assa Traoré, soeur du jeune homme et figure du combat mené depuis des années pour voir «la requalification des faits en homicide volontaire».
«Laissez-nous respirer» ou «Pas de justice, pas de paix» pouvait-on lire sur des banderoles brandies dans la foule, dont de nombreux jeunes, des proches mais aussi quelques gilets jaunes, syndicalistes et militants écologistes.
«La lutte climatique dénonce aussi le système d'oppression et de domination. L'écologie doit être sociale, populaire, solidaire», a expliqué à l'AFP Elodie Nace, porte-parole d'Alternatiba.
«Tous les Adama»
Avant la marche, les familles de Cédric Chouviat, Lamine Dieng, Ibrahima Bah, Babacar Gueye, Gaye Camara et Sabri ont pris la parole pour dénoncer la mort de leurs proches, à cause des «violences policières».
«Zineb, Bouna, Theo et Adama, on n'oublie pas, on ne pardonne pas», a notamment scandé la foule, parfois le point levé, haranguée par Assa Traoré, juchée sur un camion.
«Quand on demande justice pour Adama, on demande justice pour tous les Adama, tout le monde», a-t-elle lancé, dénonçant «l'impunité policière». «Le combat, on le lâchera jamais (...) Vous êtes devenus des soldats malgré vous.»
Message reçu par Dado, jeune fille de 16 ans venue de l'Oise: «Si on le fait pas, personne ne le fera à notre place».
«On le fait pour les générations futures, pour éviter qu'elles subissent ce que nous subissons aujourd'hui», a enchaîné son amie Kadidiatou, 25 ans, déjà présente à la marche de l'an dernier.
Quatre ans après les faits, de nombreux manifestants ne comprennent pas que la justice n'aille pas plus vite. «Il faut trimer pour en arriver là et ça c'est pas normal», s'est insurgée Awa, 26 ans.
L'enquête se poursuit toujours, sans trancher encore entre les versions irréconciliables défendues par les gendarmes d'une part et la famille de l'autre.
L'hommage au jeune homme se double cette année d'un festival: des rappeurs tels Youssoupha, Abd al Malik et Féfé se sont relayés sur scène.
«Un soutien indéfectible et éternel à toutes les personnes victimes de violences policières!», a lancé le jeune rappeur et acteur Hatik.
Pour le Comité Adama, il s'agit aussi d'élargir sa base, dans le sillage les rassemblements des 2 et 13 juin à Paris, qui avaient drainé des milliers de manifestants.
L'affaire Traoré a retrouvé en France un fort écho après la vague planétaire d'indignation suscitée par la mort, en mai aux Etats-Unis, de George Floyd, un noir tué par un policier blanc alors qu'il répétait qu'il ne pouvait «plus respirer».
Sur le plan judiciaire, les juges d'instruction ont ordonné récemment de nouvelles investigations et demandé une nouvelle expertise à des médecins belges, qui est attendue pour janvier 2021.
«Au lieu de faire tout le temps des expertises à gauche à droite, qu'ils nous disent la vérité. J'ai envie d'avoir la justice avant de mourir», a déclaré, émue, Oumou Traoré, la mère d'Adama.