Annoncé sortant, l'avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti a finalement été maintenu au poste de ministre de la Justice, ce vendredi 20 mai, dans le gouvernement Borne.
Il reste à sa place. Nommé garde des Sceaux en juillet 2020 lors du précédent quinquennat, Eric Dupond-Moretti a été reconduit à son poste lors de l'annonce du gouvernement d'Elisabeth Borne, ce vendredi.
Une véritable surprise alors que son bilan au ministère de la Justice est marqué par une grogne sans précédent des magistrats et qu'il a été mis en examen pour «prise illégale d'intérêts».
Une enfance modeste
Né dans le Nord, Eric Dupond-Moretti n'était pas forcément destiné à devenir avocat. Elevé par sa mère d'origine italienne après avoir perdu son père à l'âge de 4 ans, il a été contraint de travailler dans une usine ou encore d'être fossoyeur pour payer ses études.
Alors qu'il avait 15 ans, la mort dans des circonstances suspectes de son grand-père a fait naître en lui sa vocation, puisque la lumière n'a jamais été faite dans cette affaire. N'étant pas forcément le plus doué des élèves, il a réussi malgré tout à passer le barreau de justesse.
Un avocat redoutable et médiatique
Rapidement, il enchaîne les succès au tribunal, et travaillera sur des affaires de plus en plus médiatiques. Il obtiendra le surnom d'«Acquittator» devant le nombre impressionnant d'accusés qu'il fera relâcher. En 2020, il avait obtenu plus de 140 acquittements. Pour y parvenir, il n'hésitera pas à défendre des personnalités très clivantes comme Patrick Balkany, Abdelkader Merah ou encore Bernard Tapie. «J'aurais défendu Klaus Barbie, et même Hitler s'il me l'avait demandé», a-t-il assuré.
Une vie privé assez secrète
Malgré sa célébrité, Eric Dupond-Moretti reste une personnalité plutôt secrète. On sait néanmoins qu'il a deux enfants, issus de son union avec sa première femme Hélène, rencontrée lors d'un procès. Divorcé, il est officiellement en couple avec la chanteuse canadienne Isabelle Boulay depuis 2016.
Une carrière d'acteur
Outre sa carrière d'avocat, Eric Dupond-Moretti aime à utiliser son éloquence pour d'autres projets. Ainsi, il a joué dans quelques films depuis le début des années 2010, et notamment dans «Chacun sa vie» de Claude Lelouch en 2017. Début 2019, il a également lancé un seul en scène, «Eric Dupond-Moretti à la barre».
Un ministre de la Justice contesté
S'il se félicite d'avoir obtenu pendant ses fonctions de ministre une hausse «historique» du budget de la Justice, il fait face à une grogne sans précédent des magistrats.
Signe du malaise, en novembre dernier, les deux tiers des 9.000 juges français signaient une tribune dans Le monde, dans laquelle ils dénonçait leur épuisement et la «perte de sens de ceux qui rendent la justice au quotidien».
Après l'annonce de sa reconduction, le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche) évoquait auprès de l'AFP son «incompréhension» et sa «déception». «Nous ne savons pas comment le maintien d'Eric Dupond-Moretti à la tête du ministère permettra la reprise du dialogue totalement rompu», avait souligné la présidente du SM, Kim Reuflet.
«Je serai le ministre du dialogue, de la concertation et de l'action», a de son côté assuré le ministre, sur Twitter.
Je remercie le Président de la République et la Première ministre qui me renouvellent ce jour leur confiance. Je mesure l’honneur qui est le mien de pouvoir continuer d’œuvrer pour la Justice de notre pays. Je serai le ministre du dialogue, de la concertation et de l’action.
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) May 20, 2022
Mis en examen pour pour «prise illégale d'intérêts»
En juillet 2021, Eric Dupond-Moretti est mis en examen pour prise illégale d'intérêts , une première pour un ministre en exercice. Il est soupçonné d'avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait été en conflit lorsqu'il était avocat.
Des plaintes de syndicats de magistrats et de l'association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d'intérêt, avaient donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire.
En mai 2022, quelques jours avant sa reconduction, le ministère public de la Cour de justice de la République (CJR) a annoncé avoir requis un procès à son encontre, estimant qu'il existait des «charges suffisantes».