«Direction d’un groupement terroriste», «association de malfaiteurs», «meurtres en bande organisée». Les accusations formulées à l’encontre de Tyler Vilus étaient éloquentes. Le jihadiste a été condamné vendredi 3 juillet à 30 ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers.
Le président a expliqué à Tyler Vilus que la cour avait «décidé de ne pas prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité, ce qu'il était possible de faire», la justice l'ayant jugé coupable de toutes les infractions, y compris de l'exécution de deux prisonniers, mais qu'elle avait voulu lui «laisser une lueur d'espoir» pour qu'il puisse «évoluer».
Agé de 30 ans et originaire de Troyes, il présente un profil jamais vu en France.
Converti à 21 ans, fils de «Mamie jihad»
Dans la préfecture de l’Aube, il s’est converti et rapidement radicalisé à 21 ans, au contact d’un imam. Sa mère, Christine Rivière, est surnommée «Mamie jihad» pour avoir effectuée trois séjours en Syrie auprès de lui. Elle a été condamnée à dix ans de prison en 2017. C’est son fils qui l’a converti à l’islam.
Un parcours sanglant au sein de Daesh
Tyler Vilus est parti en Tunisie à l’été 2011 pour rejoindre les mouvements salafistes issus du printemps arabes. Un an après, il aurait participé au saccage de l’ambassade des Etats-Unis. Selon sa mère, il serait parti en Syrie en 2013, déçu du manque d’entrain des radicalisés tunisiens. Il lui écrit quelques mois plus tard être devenu «émir d’un groupe de Français», puis s’établira près de la frontière irakienne, à Shaddadi, l’un des bastions de Daesh. Dans cette ville, où de nombreux belges et français se retrouvent, il est en charge de l’application de la charia, des arrestations et des exécutions, décrivent des témoins.
Une vidéo diffusée en 2015 le montre se tenir à côté de bourreaux qui abattent d’une balle dans la tête deux soldats prisonniers.
Les enquêteurs expliquent qu’il aurait aussi été recruteur, membre de la police du groupe terroriste et combattant. Face à eux, il aurait d’ailleurs décrit des scènes d’affrontements violents et parlé de «cette odeur de musc que seul un frère tombé peut dégager».
Il est également soupçonné d’avoir fait partie de la brigade «des immigrés» à Alep. Une unité de Daesh connu pour avoir multiplié les actes de torture et les exécutions gratuites. Deux futurs kamikazes du Bataclan en était également membre.
En contact avec Abdelhamdi Abaaoud
Tyler Vilus a reconnu avoir été en contact avec Abdelhamid Abaaoud, «cerveau» présumé des tueries du 13-Novembre, au Bataclan et sur les terrasses parisiennes. Il nie cependant avoir lui-même planifié une attaque sur le sol européen, et n’a pas été mis en examen pour cela.
Cependant, alors qu’il était parvenu à garder son téléphone portable après son arrestation, il avait envoyé à Abaaoud : «sa change rien.quand je sors jagis (sic)». Il a expliqué aux enquêteurs avoir voulu lui faire croire qu’il voulait commettre un attentat, mais cherchait en réalité à quitter Daesh pour rejoindre la Mauritanie.
Une grosse prise pour les autorités
Tyler Vilus a été arrêté il y a près de cinq ans, le 2 juillet 2015, à l’aéroport d’Istanbul, avant d’être expulsé en France. Il était muni d’un passeport suédois.
L’arrestation de Tyler Vilus a été une prise énorme pour les services antiterroristes français. Il a en effet fréquenté tout le milieu jihadiste francophone de Syrie, tel que le recruteur Omar Diaby, Rached Riahi, condamné à 20 ans de prison en 2017 avec mandat d’arrêt, ou Rodrigue Quenum, dramatiquement connu pour avoir posé en tenant une tête tranchée.