Souvent accusée par ses opposants de gouverner Paris seule et de façon autoritaire, dans la dernière ligne droite des municipales, Anne Hidalgo semble plutôt miser sur la concertation. En apparence tout du moins.
Consultations des citoyens «qui auront le dernier mot» pour des projets d'urbanisme décriés, «retours en arrière» possibles sur les aménagements de pistes cyclables critiqués, transfert des pouvoirs vers les mairies d'arrondissements... La maire sortante multiplie ces derniers jours les messages allant dans le sens du dialogue et de la souplesse.
Avant le vote décisif du 28 juin, la candidate socialiste cherche logiquement à apaiser et à rassembler, afin de s'assurer une réélection qui lui semble promise. C'est d'ailleurs cette position «de concorde» qu'elle a une nouvelle fois adoptée lors du dernier débat en date entre les candidates. L'élue de gauche a avant tout cherché à se placer au-dessus de la mêlée, en évitant de répondre aux – nombreuses – piques de ses adversaires.
«Elle annonce le contraire de ce qu'elle a fait»
Mais ces intentions, par leur timing, ne trouvent pas grâce aux yeux de l'opposition. «A une semaine de l'élection, personne n'est dupe de sa stratégie. Anne Hidalgo annonce le contraire de ce qu'elle a fait pendant six ans. Elle a refusé de donner la parole aux Parisiens sur les projets contestés de la tour Triangle, de Bercy-Charenton ou d'Ordener-Poissonnier», réagit pour CNews Pierre-Yves Bournazel, porte-parole d'Agnès Buzyn. Selon lui, la candidate socialiste «établit elle-même le meilleur réquisitoire contre le mandat de la maire sortante».
Des critiques balayées par Emmanuel Grégoire, le bras droit de la maire de Paris : «il ne s'agit pas d'un aveux d'échec. Contrairement à ce qu'on dit, Anne Hidalgo a beaucoup consulté. Elle l'a déjà fait, et elle va l'améliorer. Simplement, quand elle droit trancher, elle tranche». Au risque de déplaire.
«Il ne faut pas oublier que pendant son mandat, elle a mis en place des processus de consultation, avec notamment des conférences citoyennes. Elle n'a pas fait les choses complètement seule», abonde Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop. On peut également citer la création du budget participatif parisien en 2014, la capitale ayant été pionnière en la matière parmi les grandes villes françaises.
Stratégiquement, impliquer l'ensemble des maires d'arrondissements offre aussi l'avantage à Anne Hidalgo de contrer l'un des principaux angles d'attaque de Rachida Dati. La candidate LR accuse en effet souvent la socialiste de «ne s'intéresser qu'aux arrondissements de gauche».
Une image clivante mais qui change
«Jusqu'à présent, Anne Hidalgo a eu une image très clivante : soutenue par les gens de gauche qui appréciaient ses prises de position, et critiquée par ceux de droite qui la jugeaient sectaire et autoritaire», confirme Frédéric Dabi. Mais le politologue note «une vraie mutation de son image ces derniers mois».
Cette évolution a commencé à se dessiner pendant les grèves des transports grâce aux nouvelles pistes cyclables, mais a surtout pris corps lors de la crise du coronavirus. «Dans une situation difficile et inédite, la maire a pris les décisions qui convenaient pour protéger les Parisiens», reconnaît ainsi Pierre-Yves Bournazel.
Un sentiment qui se retrouve dans les enquêtes d'opinions de l'Ifop, à en croire Frédéric Dabi : «un tournant a eu lieu avec le confinement : les faits ont donné raison à Anne Hidalgo. Ses décisions d'abord contestées, comme la fermeture des voies sur berges, sont désormais vues comme des actes visionnaires par une partie des Parisiens, y compris de droite».
«PArfois, mieux vaut ajuster dans l'action»
Une lecture a posteriori des événements qui peut toujours être contestée, mais qui coïncide avec la première place obtenue par la maire sortante au premier tour des élections municipales (avec 29 % contre 22 % pour Rachida Dati). Elle profite aussi d'un statut de favorite pour le deuxième tour. Dans le dernier sondage paru lundi 22 juin, elle est créditée de 45 % d'intentions de vote, loin devant les 34 % de sa rivale LR.
Sa gestion et ces résultats – qui restent à confirmer – renforcent donc la position d'Anne Hidalgo et la confortent dans sa méthode. «L'un des enseignements de cette crise est que, parfois, mieux vaut ajuster dans l'action plutôt que lors de concertations stériles», avance Emmanuel Grégoire. «C'est le problème du débat citoyen pollué par les politiques, la démocratie peut parfois être emprisonnée dans une pseudo-consultation».
Il faut dire qu'avant le Covid-19, la socialiste avait déjà eu son lot de situations compliquées à gérer. «Terrorisme, gilets jaunes, inondations, Notre-Dame... Anne Hidalgo a montré qu'elle savait naviguer par gros temps, grâce à son autorité. C'est ce qui l'a empêchée de sombrer. Et aujourd'hui, il y a un vrai glissement de son image de l'autoritarisme vers l'autorité»», pointe le directeur général de l'Ifop.
Finalement, ce n'est pas tant l'action d'Anne Hidalgo qui semble évoluer, mais la perception qu'en ont les Parisiens. Difficile donc d'imaginer un changement radical de méthode en cas de second mandat.