Le gouvernement a dévoilé ce mardi son plan de soutien à la filière aéronautique frappée de plein fouet par la crise due au coronavirus, afin de préserver un secteur qui emploie 200.000 personnes en France et lui permettre d'innover avec des avions moins polluants.
Après un plan pour le tourisme de 18 milliards d'euros, un autre pour l'automobile de 8 milliards, ce sont pas moins de cinq ministres - Bruno Le Maire et Agnès Pannier Runacher pour l'Economie, Florence Parly pour les Armées, Elizabeth Borne pour la Transition écologique et Jean-Baptiste Djebbari pour les Transports - qui sont mobilisés.
Le plan de soutien à la filière aéronautique, frappée de plein fouet par la crise du coronavirus, représente «un effort total de 15 milliards d'euros de la nation», a annoncé Bruno Le Maire. «Nous décrétons l'état d'urgence pour sauver notre industrie aéronautique pour lui permettre d'être plus compétitive» et «plus décarbonée» en produisant l'«avion vert» de demain, a poursuivi le ministre.
Objectif : avion propre
Quelque 1,5 milliard d'euros de financement public seront consacrés dans les trois prochaines années à la recherche-développement dans le but de «parvenir à un avion neutre en carbone en 2035», a annoncé le ministre.
Alors que près d'un tiers de 35.000 emplois consacrés à la R&D dans la filière aéronautique sont remis en question par les difficultés du secteur, l'objectif est de préparer les prochaines générations d'avions commerciaux, d'hélicoptères et avions d'affaires dotées de nouveaux modes de propulsion émettant moins de CO2, comme les moteurs à hydrogène et à «très haut taux de dilution».
«C'est une accélération de 10 ans par rapport aux objectifs initiaux de la filière. Cela nous permettra de fixer les nouveaux standards mondiaux de l'avion bas carbone», a estimé la ministre de la Transition écologique Elizabeth Borne.
Afin d'«accélérer la transformation des PME et des entreprises de taille intermédiaires», l'Etat et les industriels de l'aéronautique se sont aussi accordés pour créer un fonds d'investissement doté de 500 millions d'euros dès cet été, et à terme d'un milliard d'euros.
L'Etat à travers la banque publique Bpifrance apportera 200 millions d'euros, les industriels (Airbus, Safran, Dassault Aviation et Thales, ndlr) 200 millions d'euros également, 100 millions au moins seront fournis par le gestionnaire de fonds qui sera choisi par appel d'offre, a indiqué Bruno Le Maire. Ces 500 millions d'euros «permettront de lever un milliard à terme», a-t-il précisé.
Par ailleurs, un autre fonds d'accompagnement pour la modernisation de l'outil de production et notamment la numérisation et la robotisation des PME et des ETI, doté de 300 millions d'euros de dépenses publiques directes sur trois ans, a été créé, a-t-il également annoncé.
Commandes de ministères
En outre, le ministère des Armées va anticiper dès cet année des commandes d'aéronefs militaires qui étaient prévues pour plus tard, à hauteur de 600 millions d'euros, soit environ 5% de son budget d'équipements, a annoncé la ministre Florence Parly. Ces commandes concernent notamment trois Airbus A330 qui seront à terme transformés en avions ravitailleurs (A330 MRTT), 8 hélicoptères de manoeuvre Caracal, un avion léger de surveillance et de renseignement et des drones destinés à la Marine.
Quelque 200 millions seront également consacrés par l'Intérieur à l'achat d'aéronefs pour la gendarmerie et la sécurité civile, tandis que le budget du fonds dans les PME de l'industrie de défense, nommé Definvest, sera porté de 50 à 100 millions d'euros pour les cinq prochaines années.
Le secteur aéronautique représente 300.000 emploi directs et indirects en France. «Si nous n'étions pas intervenus tout de suite, c'est un tiers des emplois de la filière qui auraient disparu», a affirmé Bruno Le Maire, appelant les industriels à tout «faire pour éviter les départs contraints».
A elle seule, la compagnie Air France a bénéficié de sept milliards d'euros d'aide de l'Etat sous forme de prêts directs ou de prêts bancaires garantis par la puissance publique, une somme comprise dans les 15 milliards du plan. Cela doit notamment lui permettre de concrétiser la commande de 60 Airbus A220 et 38 gros-porteurs A350 qu'elle avait prévue.
Effondrement du trafic aérien
L'industrie aéronautique est victime de l'effet cascade de l'effondrement du trafic aérien et des difficultés financières des compagnies aériennes, amenées à annuler ou reporter des commandes.
La crise est telle que la «survie d'Airbus est en jeu», selon son patron Guillaume Faury. Et avec celle du mastodonte aux 48.000 salariés en France, celle d'une myriade d'équipementiers, souvent des PME ou entreprises de taille intermédiaire à la trésorerie flageolante.
L'avionneur européen, qui a réduit ses cadences d'environ 30%, se targue de passer chaque année pour 12,5 milliards d'euros de commandes auprès de 10.000 industriels en France.