La tenue du second tour des élections municipales, prévu à l'origine le 22 mars et reporté en raison du coronavirus, se précise pour le dimanche 28 juin. Mais son organisation s'accompagne néanmoins de nombreuses interrogations.
Le conseil scientifique rendra son avis sur la question d'ici au samedi 23 mai au gouvernement, qui devrait trancher dans la foulée. Dans l'attente de cette décision, un consensus politique semble déjà se dessiner depuis quelques jours en faveur du maintien du second tour fin juin.
Cette organisation a les faveurs d'une trentaine de maires de grandes villes, dont Anne Hidalgo (PS, Paris), Christian Estrosi (LR, Nice), François Rebsamen (PS, Dijon) ou encore Nicolas Florian (LR, Bordeaux), qui ont signé une tribune en ce sens dimanche 17 mai dans le JDD.
Les maires nécessaires pour l'économie
Selon eux, il s'agit notamment d'un enjeu crucial pour débloquer les investissements nécessaires à la relance économique post-confinement. Environ 5.000 communes (représentant 25 millions de personnes) n'ont pas désigné de maire dès le premier tour. Or, «70 % de la commande publique sont réalisés par les communes et les intercommunalités. Elles sont le bras armé essentiel à notre économie et à nos emplois», estiment-ils.
Surtout, si le second tour n'a pas lieu «avant l'été», cela forcerait à reprogrammer l'ensemble de l'élection et à repartir de zéro, d'après la règle fixée par le Conseil constitutionnel. Il faudrait alors organiser les deux tours en septembre, en même temps que les élections sénatoriales, avec la crainte d'une seconde vague épidémique. Ou bien en mars 2021, en même temps que les élections départementales et régionales. Des hypothèses complexes, coûteuses et lointaines.
Pour autant, la tenue du vote fin juin pose de nombreuses questions sur le plan sanitaire à l'heure actuelle. Rassembler des personnes dans les lieux fermés peut paraître contre-indiqué avec la propagation par aérosols du virus. Mais selon une étude d'épidémiologistes et de statisticiens, la tenue du premier tour en mars n'aurait «pas contribué» à la propagation du Covid-19. Il semble donc possible de tenir un bureau de vote ou de s'y rendre sans s'exposer particulièrement, à condition de décontaminer minutieusement les écoles – des lieux très sensibles – où ils sont installés.
Sur le plan politique aussi cette organisation vire au casse-tête, tant les électeurs risquent de bouder les bureaux de vote. Le 15 mars, la veille de l'annonce du confinement, l'abstention au premier tour avait été de 56 % (contre 36 % en 2014). De quoi anticiper des maires élus avec 30 ou 20 % seulement des votants en juin, dont la légitimité serait alors fragilisée pour leurs six ans de mandat.
En outre, comment les candidats pourraient-ils faire campagne ? Les mesures de précaution strictes contre le coronavirus seront très probablement encore en place, limitant les contacts physiques et le nombre de personnes réunies. Adieu donc le porte-à-porte, les cafés politiques et les meetings. Ce sera sans doute le cas en particulier en région parisienne, la plus touchée par l'épidémie.
Le recours au vote par correspondance ?
Pour éviter que «la démocratie reste confinée» trop longtemps, certains élus proposent donc des solutions alternatives. Rachida Dati, la candidate LR à Paris, s'est par exemple dite favorable à l'emploi du vote par correspondance ainsi qu'à l'installation de bureaux de vote dans les résidences seniors. Des dispositifs qui permettraient d'éviter aux personnes fragiles d'avoir à se rendre dans les bureaux de vote.
Eric Azière, le patron des élus UDI-Modem à Paris et allié de LREM dans la capitale, va encore plus loin. Pour lui, «la lecture du premier tour ne fait pas de doute. Anne Hidalgo a sauvé sa place. Le deuxième tour n'apportera pas de surprise, on ne jouerait que quelques sièges à la marge». Face à cet enjeu réduit, et compte tenu des risques sanitaires, il propose donc «d'attribuer les sièges suivant les résultats du premier tour».
Dans l'hypothèse où le gouvernement entérinait un second tour fin juin, Edouard Philippe souhaiterait mettre en place une «clause de revoyure au 10 juin». Avec ce point d'étape intermédiaire, le Premier ministre se laisserait ainsi une possibilité de faire machine arrière en cas de forte recrudescence des cas.