Pour forcer les géants du Web à améliorer leur modération, la proposition de loi visant à lutter contre la «cyberhaine» doit être définitivement votée ce mercredi 13 mai à l'Assemblée nationale.
Complétant l'arsenal français, le texte vise à mettre les grandes plateformes numériques devant leurs responsabilités et à fournir à une réponse pénale face à la haine en ligne, et ainsi punir plus efficacement les auteurs de contenus haineux.
UN PARQUET SPÉCIALISÉ
Pour mettre un terme à l'impunité des auteurs, un parquet spécialisé dans la lutte contre la haine en ligne, soit des juges et enquêteurs spécialisés rompus à l'utilisation des réseaux sociaux, va être créé. Cette nouvelle juridiction sera d'ailleurs adossé à la future plateforme de dépôt de plainte en ligne, prévue dans le cadre de la réforme de la justice. Un tribunal de grande instance doit également être désigné par décret pour exercer cette compétence.
Retrait sous une heure des contenus terroristes, une journée pour les injures
Mesure phare du texte porté par la majorité, il sera demandé aux plateformes et moteurs de recherche de retirer dans un délai maximum de 24 heures tout contenu injurieux.
Sont visées également les incitations à la haine, la violence, la discrimination, les injures à caractère raciste ou encore religieuses. Seront également bannis les messages, vidéos ou images constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l'apologie de tels actes ou comportant une atteinte à la dignité de la personne humaine. Même sort pour les contenus constitutifs de harcèlement ou de proxénétisme.
Un amendement rajouté en janvier stipule d'ailleurs que les publications à caractère terroriste ou pédopornographique devront être supprimées en une heure. Cela contraindra les sites et les opérateurs à être joignables à tout moment par les services judiciaires, pour ces deux cas.
En cas de refus de coopérer avec la justice française de la part de YouTube, Twitter ou toute autre plateforme Internet à fort trafic (le niveau de connexion, vraisemblablement 2 millions d'utilisateurs, devant être prévu par décret), ces géants du Web pourront être mis en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et recevoir une amende pouvant atteindre jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires annuel mondial, soit près d'1, 25 millions d'euros.
Après amendement, il a également été prévu que les contenus illicites supprimés devront être conservés un an maximum, pour mise à disposition si besoin de la justice. La rapporteuse du texte, Laetitia Avia, a assuré que des «garde-fous» étaient prévus «pour s'assurer de l'absence de retraits injustifiés».
UNE OBLIGATION DE COOPÉRATION AVEC LA JUSTICE
Si la loi oblige déjà les plateformes à transmettre des informations afin d'identifier les auteurs des contenus haineux en ligne, force est de constater qu'il est encore complexe pour la justice française de répondre pénalement à ce type de délit, notamment lorsqu'il est impossible de lever l'anonymat.
Pour favoriser la coopération, les plateformes seront donc dans l'obligation d'informer «promptement» les autorités et devront avoir un représentant légal chargé de répondre aux réquisitions.
Le géant Facebook, régulièrement pointé du doigt pour son inaction, vient d’ailleurs de prendre les devants en garantissant à la justice française de lui communiquer les adresses IP des internautes aux propos haineux.
Un bouton unique de signalement
Comme le rappellent les derniers événements, à l'instar de l'affaire de la «Ligue du lol», les victimes de harcèlement en ligne sont nombreuses à ne pas signaler les messages insultants qu'elles reçoivent. Pour tenter d'y remédier, la proposition de loi suggère d'harmoniser les dispositifs de signalement des abus, en mettant en place un bouton unique de signalement, commun à toutes les plateformes.
Elles seront également contraintes de fournir à leur utilisateurs des informations claires sur les voies de recours possibles, y compris judiciaires.
PLUS DE TRANSPARENCE
Enfin, la proposition Avia exige une meilleure communication de la part des géants du Web. Ils devront rendre compte publiquement des «actions et moyens» mis en œuvre, soit communiquer «le nombre de signalement reçus, la répartition des délits visés, le nombre de signalement abusifs ou encore les moyens humains et financiers engagés dans la lutte contre la haine sur internet».