Explosion du chômage partiel, plan d'urgence historique à 110 milliards d'euros, dette cumulée en 2020 à 115 % du PIB... En France, comme partout ailleurs, le coronavirus met l'économie à genoux.
Dans ce contexte, une fois l'urgence passée, beaucoup craignent que la potion du désendettement soit amère à avaler.
Et si le gouvernement actuel a jusqu'à présent exclu d'augmenter les impôts, certains se demandent si ce n'est pas plutôt leur épargne qui est menacée.
«Un pays placé sous anesthésie»
La France est «comme un organisme placé en état d’anesthésie» qui «n’assure plus que ses fonctions vitales», a estimé l'Insee dans sa dernière note parue le 23 avril dernier. Habituellement peu encline à filer la métaphore, l'institution n'a pourtant pas hésité une formule-choc empruntée au domaine médical pour décrire à quel point l'économie française est, elle aussi, tombée malade du Covid-19.
[À LA UNE À MIDI] - L'économie française est comme un "organisme placé sous anesthésie qui "n'assure plus que ses fonctions vitales", a constaté l'Insee qui a mesuré une réduction de l'économie marchande de 49% hors loyers dans le pays #AFP (4/5) pic.twitter.com/ctb3TWyjOd
— Agence France-Presse (@afpfr) April 23, 2020
Dans ce cadre, la sortie du coma pourrait-elle passer par des solutions originales, pour ne pas dire un remède de cheval ?
Réputés davantage «fourmis» que «cigales», les Français n'ont en effet pas fait défaut à leur renommée, puisqu'ils avaient, en 2018, accumulé un patrimoine financier total (livrets A, assurances-vie mais aussi actions ou titres de créance) estimé à plus de 5.000 milliards d'euros, selon les données de la Banque de France.
Une épargne considérée à l'abri
Doivent-ils pour autant s'inquiéter pour leur argent ? En théorie, pas vraiment.
Car aujourd'hui encore, malgré les circonstances, la France reste considérée comme un pays «sûr» par les investisseurs.
Concrètement, cela signifie que les taux d’intérêt que ces derniers réclament actuellement à Paris restent bas, voire négatifs dans certains cas.
«Nous n’avons pas de difficulté à lever de la dette », a d'ailleurs garanti encore récemment le ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
L'Hexagone, à l'instar de la plupart des autres pays de l'Union européenne, n'est donc en théorie pas en risque de défaut de paiement, et cela est d'autant plus vrai que la Banque centrale européenne (BCE) est là pour garantir ce risque, notamment en lui rachetant de la dette.
Le risque d'une «ponction» dans l'épargne, ou plus exactement dans le patrimoine financier, viendrait surtout si un Etat n'a plus aucun autre moyen de financer sa dépense.
Eviter un risque politique et social
Malgré une dette au sommet, ce n'est pas le cas et cette piste n'est donc pas envisagée à proprement parler. En revanche, l'Etat pourrait, malgré tout, sur ce sujet, être tenté d'actionner d'autres leviers.
«Il pourrait, par exemple décider d'augmenter les prélèvements obligatoires sous une forme ou sous une autre», explique François Ecalle, magistrat de la Cour des comptes en disponibilité, et fondateur de l'association FIPECO, dont le but est de diffuser, notamment sur le site internet du même nom, des informations et des analyses sur les finances publiques et l’économie.
Le spécialiste ajoute néanmoins aussitôt que cela serait, selon lui, une «mauvaise idée même s'il va bien falloir rétablir un jour ou l'autre les déficits».
Dans mon nouveau billet sur le site de FIPECO j'examine les avantages, les risques et la faisabilité des différentes solutions envisageables du problème posé par des dettes publiques en forte augmentation; lisez https://t.co/MhiyN0bTsL
— fipeco (@ecallefipeco) April 26, 2020
Dans le contexte de la crise sanitaire, François Ecalle n'estime pas non plus qu'il faille pour autant augmenter les impôts ou les cotisations sociales, parce que cela «risque de faire peur aux ménages et aux entreprises».
L'ancien magistrat prône plutôt «une réduction des dépenses qui ne sont pas utiles», même s'il convient que le gouvernement actuel aura beaucoup de mal à mettre cette idée sur la table pour d'évidentes raisons politiques et sociales.
«Je pense qu'aucune réduction du déficit, que ce soit par des hausses d'impôts ou des baisses de dépenses, est envisageable en 2021, ni même en 2022 du fait du calendrier électoral», résume-t-il.
Le pari d'une reprise au sortir de la crise
A l'heure actuelle, et au moment où la seule épargne qui aura été accumulée pendant le confinement est d'ores-et-déjà évaluée à 55 milliards d'euros, le pari fait par la majorité LREM est surtout de tabler sur une reprise économique à l'aune du déconfinement.
Autrement dit, si la croissance reprend à compter de la mi-mai, les entreprises et les particuliers paieront davantage d’impôts et renfloueront les caisses de l’Etat.
Pour François Ecalle, cet espoir s'apparente néanmoins davantage à un voeu pieux car, pour lui, il est déjà acquis que la croissance ne suffira pas, à elle seule, à rétablir les déficits publics et reprendre le contrôle de la dette.
«Je crains que les Français ne gardent pendant longtemps une épargne assez importante car ils vont conserver une crainte de consommer tout, comme ils vont craindre le chômage. En outre, quand bien même l'épidémie soit totalement maîtrisée dans les prochains mois, il faudra du temps pour qu'ils soient pleinement rassurés», conclut-il.