Mercredi 15 avril, Edouard Philippe a détaillé le plan du gouvernement pour soutenir l'économie française, frappée de plein fouet par la crise sanitaire. Un plan de 110 milliards d'euros qui pourrait entraîner des conséquences négatives pour les salariés, selon Aurélie Trouvé, économiste et porte-parole d'Attac.
En avril 2018, Emmanuel Macron disait au personnel soignant, qui déplorait le manque de moyens à l'hôpital, qu'il n'y avait pas «d'argent magique». Deux ans plus tard, le gouvernement lève 110 milliards d'euros pour soutenir l'économie pendant la crise sanitaire. Comment est-ce possible ?
Cela veut dire que la dette et le déficit public vont être plus importants (respectivement 112% du PIB et 7,6 % du PIB selon le ministre de l'Economie, ndlr). C'est aussi la preuve que l'on peut désobéir aux traités européens, heureusement, qui imposent aux Etats de respecter un déficit public inférieur à 3% (l'Union européenne a suspendu cette règle à cause de la crise sanitaire, ndlr).
Qui prête cet argent à la France ?
En tout cas, pas la Banque centrale européenne (BCE). Contrairement à la banque centrale américaine ou britannique, la BCE ne prête pas aux Etats membres et c'est un gros problème. Les pays européens doivent emprunter sur les marchés financiers qui ont donc la main sur les taux d'intérêts. Ce que proposent les économistes de gauche, c'est que la BCE puisse prêter aux Etats membres, avec des conditions bien sûr.
La dette française va atteindre 112% du PIB. Quel est le risque pour un état d'avoir un endettement excessif ?
Comme les états sont dépendants de la bonne volonté des marchés financiers, le seul risque c'est de devoir emprunter à des taux trop importants. Il faudrait profiter de la crise, même si je n'aime pas ce terme, pour remettre à plat la politique monétaire de la zone euro et faire en sorte que la BCE puisse prêter directement aux pays européens.
Comment va-t-on rembourser cette dette ?
Il y a deux solutions pour résoudre un déficit public : soit on diminue les dépenses publiques, comme en 2008 après la crise financière. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences sur l'hôpital. L'autre solution consiste à restaurer les recettes. En France, la part de celle-ci dans le PIB n'a cessé de diminuer.
Les récentes déclarations du Medef et de la secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, laissent entendre que c'est la première solution qui va être choisie...
Le gouvernement va poursuivre une politique qui s'aligne sur les demandes du grand patronat. En effet, depuis trois semaines, il a modifié le code du travail grâce à une loi d'urgence et a autorisé certaines activités non essentielles de continuer alors que les salariés n'étaient pas protégés. Preuve en est la récente décision de justice contre Amazon.
Le problème de ce plan, c'est qu'il n'est pas adossé à une refonte de la fiscalité. Les victimes vont donc être les salaires et l'investissement productif. Il aurait fallu, dans le même temps, annoncer l'augmentation des impôts pour ceux qui peuvent se le permettre, notamment les multinationales, taxer plus les bénéfices des grandes sociétés et lutter contre l'évasion fiscale. Enfin, le chômage partiel aurait dû être conditionné au non-versement de dividendes pour les actionnaires.