Plusieurs pistes sont à l'étude pour adapter la région parisienne et ses 12 millions d'habitants au déconfinement progressif envisagé à partir du lundi 11 mai. Et ce, dans tous les domaines de la vie quotidienne, qui devraient être encore largement perturbés par le coronavirus.
les établissements scolaires
L'ensemble des enfants de 6.700 écoles, 1.150 collèges et 700 lycées d'Ile-de-France ne reprendront pas les cours dès le 11 mai. Dans son intervention le 28 avril, le Premier ministre Edouard Philippe a en effet indiqué que la réouverture des établissements se fera en fonction de l’état de l’épidémie dans les départements.
Or, la région parisienne est la plus touchée du pays par le Covid-19, avec 1.550 malades encore en réanimation, selon les chiffres du 3 mai de Santé Publique France.
Une position partagée par Anne Hidalgo, qui «n'imagine pas une réouverture de toutes les écoles le 11 mai» dans la capitale, a-t-elle anticipé le 19 avril dans le JDD. La maire de Paris préconise un «déconfinement progressif des établissements», qui viserait à «faire revenir en priorité les élèves qui ont décroché, ceux issus de familles monoparentales en grande précarité, ceux en situation de handicap et ceux des salariés indispensables au redémarrage de la machine économique et des services publics essentiels».
Patrick Bloche, l’adjoint au maire chargé de l’éducation, a ainsi estimé le 28 avril que à seulement «10 %» le nombre d’élèves qui pourraient être scolarisés en mai dans les écoles publiques de la capitale. Soit environ 13.000 enfants.
D'ailleurs, les élèves parisiens ne feront leur retour à l'école que le 14 mai, soit trois jours après les enseignants. Le but est de «donner le temps aux écoles de s'organiser», selon un courrier du Directeur de l'Académie, a-t-on appris le 4 mai.
le travail en entreprise
Le retour des travailleurs au bureau sera lié en partie à celui de leurs enfants à l'école. Mais pas seulement. Les autorités souhaitent en effet limiter les regroupements dans des lieux fermés qui pourraient participer à la diffusion du virus. Sont notamment dans le viseur les transports en commun ainsi que les bureaux et autres open-space, où la distanciation sociale est compliquée, voire impossible.
Pour empêcher le redémarrage de l'épidémie, Valérie Pécresse, la présidente de la région, souhaite ainsi que le télétravail se poursuive au maximum. «Nous proposons que 100 % des salariés qui sont aujourd'hui en télétravail ne retournent pas au bureau la semaine du 11 mai. Nous voulons tendre vers un objectif de 90 % la deuxième semaine [à partir du 18e mai], puis 80 % jusqu'à l'été», a-t-elle développé dans le JDD le 3 mai. Dans la mesure du possible, les entreprises devraient donc décider de faire revenir au compte-gouttes seulement leurs salariés dans les locaux.
Afin d'éviter l'encombrement des transports aux heures de pointe, les horaires de travail des personnes présentes physiquement seront aménagés et étalés, «par tranches horaires, entre 6h30 et 10h30 ; et le retour entre 15h30 et 19h30», selon Valérie Pécresse. Dans cette optique, l'élue LR estime «qu'il faudra demander aux employeurs des attestations pour permettre aux salariés de se déplacer à certaines heures de la journée».
Les transports en commun
Les métros, RER, tramways et bus vont redémarrer au ralenti. Valérie Pécresse, la présidente de la région et d'Ile-de-France Mobilités, a ainsi souligné que les transports seraient «rationnés».
Selon Edouard Philippe, «70 % de l'offre de transports de la RATP sera disponible le 11 mai» et «portée à son maximum dès que possible». Il a ajouté que «la capacité des transports publics va être drastiquement réduite», notamment en «condamnant un siège sur deux».
Et pour éviter les contaminations, le port du masque deviendra obligatoire.
les autres déplacements
A la place des transports souterrains, incubateurs de choix pour le coronavirus, les autorités misent plutôt sur ceux en surface. Or, il s'agit d'un enjeu complexe, car «de nombreux usagers se partageaient déjà la voirie avant la crise» au quotidien, souligne l'Institut d'urbanisme Paris Région : 17,2 millions de piétons, 130.000 usagers à trottinette, 180.000 en taxis et VTC, 420.000 en deux-roues motorisés, 840.000 à vélo, 3,9 millions de voyageurs en bus et 14,8 millions d'automobilistes.
Mais le risque est de voir les Franciliens opter massivement pour la voiture, provoquant ainsi embouteillages et pollution de l'air, d'autant que cette dernière aggraverait la maladie. La pratique massive de la marche et du vélo pourrait permettre d'éviter ce scénario.
Associations et politiques plaident donc pour la mise en place d'un «urbanisme tactique», c'est-à-dire des aménagements temporaires de l'espace public pour faire face à la crise.
En pointe sur ces questions, Anne Hidalgo a lancé deux pistes. La première en faveur des cyclistes visant à «aménager provisoirement des axes au-dessus des lignes de métro les plus empruntées», permettant ainsi de «doubler les lignes 1, 4 et 13 par des réseaux vélo en surface». Un autre circuit, «l’axe de la rue La Fayette, qui correspond à la ligne 7», est également en projet, a annoncé Christophe Najdovski, l'adjoint aux transports, dans Libération.
Et pour favoriser les piétons, la mairie de Paris va réserver plusieurs axes aux «mobilités douces» (bus, taxis, artisans, véhicules d’urgence) et les interdire aux véhicules des particuliers. La rue de Rivoli dès le lundi 11 mai, tout comme probablement «devant les écoles ou dans certaines rues commerçantes, dans le Marais par exemple», selon Christophe Najdovski.
A plus grande échelle, Valérie Pécresse, la présidente de région, a décidé de financer l'accélération de la mise en place du «RER Vélo», un réseau de 650 km nouvelles pistes cyclables à l'échelle de l'Ile-de-France. Dans un premier temps, des plots ou des peintures provisoires devraient être installés sur des boulevards ou des voies rapides. A terme, 9 itinéraires sécurisés pourraient relier Mantes (78), Versailles (78), Melun (77) ou encore Villiers-le-Bel (95) et Pontoise (95).
les masques
Le port du masque sera obligatoire dans certains cas, et très fortement recommandé en général. Les autorités se démènent donc pour que le plus grand nombre possible de Franciliens puisse y avoir accès. Une volonté qui commence à porter ses fruits.
Valérie Pécresse, la présidente de la région, a ainsi annoncé le 20 avril que «3,5 millions de masques chirurgicaux» ont été distribués dans les pharmacies à destination des personnes malades ou fragiles, qui «pourront cette semaine être délivrés sur ordonnance». Une deuxième distribution devrait profiter aux «commerçants, artisans et aux TPE qui sont ouverts».
En parallèle, l'élue LR a indiqué avoir mis en place une «centrale d'achat régionale» à destination des «entreprises et administrations» devant fournir ce matériel de protection aux salariés. Ce dispositif devrait leur permettre «d'être prêtes pour le 11 mai», a assuré Valérie Pécresse.
A Paris, la mairie a organisé avec plusieurs entreprises la confection de masques en tissu «homologués, lavables». «Les 500.000 premiers seront distribués à partir de «fin avril», a indiqué Anne Hidalgo, «prioritairement aux plus fragiles : les plus de 70 ans, les malades et les femmes enceintes». Et la maire s'est montrée ambitieuse : «à la mi-mai, tous les Parisiens pourront être équipés».
A cela, s'ajoute une commande 7,5 millions de masques en papier fabriqués en Chine, qui étaient censés arriver dans la semaine du 20 au 26 avril dans la capitale. «Tous les Parisiens» devraient pouvoir en profiter, avait assuré Anne Souyris, adjointe à la maire de Paris chargée de la Santé, «avec priorité donnée à ceux qui en ont le plus besoin, comme les soignants, les forces de l'ordre, les commerçants de l'alimentaire ou les éboueurs».
De son côté, le département de l'Essonne indique le 23 avril sa volonté de «fournir un masque à chaque Essonnien». Pour cela, une nouvelle commande de 1,5 millions de masques en tissu va venir s'ajouter à une précédente de 1,2 millions d'exemplaires FFP2 et chirurgicaux.
les tests
Autre cheval de bataille du déconfinement : les tests. Anne Hidalgo a appelé à les «utiliser massivement». Mais face à la complexité de les réaliser pour les 2,2 millions de Parisiens, la priorité sera donnée à «celles et ceux qui sont amenés à être en contact avec le public». Une cartographie quartier par quartier est également en cours avec l'AP-HP, afin de pouvoir intervenir localement.
Pour y parvenir, la capitale «a commandé des tests PCR et continue à le faire», tandis qu'une «précommande de 150.000 unités» de tests sérologiques a été effectué, en attendant qu'ils soient disponibles et suffisamment fiables.
La maire socialiste étudie également les lieux où pourront être accomplis ces actes médicaux, comme à l'Hôtel-Dieu (4e), où «400 personnes sont dépistées par jour» et qui pourrait «monter jusqu'à 1.000». Autre système, le «drive», utilisé à l'hôpital Rothschild (19e), ainsi que dans une dizaine de mairies d'arrondissement pour les personnels soignants.
Plus largement, Valérie Pécresse a déclaré le 20 avril à Ouest France que la région «est en train d’acheter des tests en grand nombre». Ceux-ci permettront notamment de «doubler les tests pratiqués dans nos Ehpad, en complément de ceux fournis par l’État».
les quarantaines
Dans le but de «casser les chaînes de transmission», la politique de tests massifs se doublera d'une isolation des personnes positives au Covid-19. Mais pour éviter qu'elles ne se confinent chez elles, au risque de contaminer les membres de leurs familles, un dispositif spécial, nommé «Covisan», sera mis en place.
Grâce à un partenariat entre la ville de Paris, l'AP-HP et le groupe Accor, les malades volontaires – et n'ayant pas besoin d'être hospitalisés – pourront disposer d'une chambre pendant deux semaines dans un «hôtel Covid». Ces établissements seront situés à proximité de quatre hôpitaux : La Pitié-Salpêtrière (13e) et Bichat (18e) à Paris, Avicenne à Bobigny (93) et Louis-Mourier à Colombes (92).
Les personnes concernées y bénéficieront «d'un suivi médical et d'un accompagnement adapté», souligne Anne Hidalgo. Et selon la maire de Paris, «petit à petit, d'autres hôpitaux et territoires entreront dans cette démarche».
Sébastien Bazin, le PDG du groupe Accor, a précisé sur France Inter «les mesures de sécurité sanitaire seront renforcées avant, pendant et après, puisque ces hôtels sont destinés à rouvrir, donc à accueillir des clients».