Troubles du sommeil, état de stress, sédentarité,… Instauré pour lutter contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, le confinement, prolongé jusqu'au 11 mai en France, peut avoir des conséquences négatives sur notre santé.
Heureusement, il existe plusieurs façons de surmonter cette épreuve inédite en ménageant son corps et son esprit.
Le stress et l’anxiété
L'enfermement prolongé et imposé peut tout d’abord générer un état de stress et d’anxiété. Une équipe de chercheurs du King's College (Royaume-Uni) a passé en revue 24 études synthétisant les effets psychologiques de la mise en quarantaine lors des précédentes épidémies (Sras, Grippe H1N1, Ebola, ...).
Publiés dans la revue scientifique The Lancet, leurs travaux montrent que la durée du confinement est elle-même un facteur de stress. Et au-delà de dix jours, les effets psychologiques seraient multipliés, entre la peur d’être infectée, l’ennui, mais aussi la solitude, et le sentiment de frustration. Les chercheurs notent également des cas de symptômes post-traumatiques, et ce, chez les adultes comme chez les enfants.
Comme le souligne la psychologue Hélène Romano, «L’impossibilité de voir ses amis, ses proches, sa famille... alors même qu’on a justement besoin de les voir pour se rassurer», peut également générer de l’anxiété. Sans compter l’angoisse «de ne pas être libre de ses mouvements, cela dans un pays comme la France où les gens sont en temps normal très libres de leurs mouvements.», note-t-elle.
Cette anxiété peut alors dans certains cas se transformer en dépression, dont la conséquence la plus dramatique est le suicide. «Pour les gens qui sont très seuls, très déprimés, parce que pour eux, le risque de passage à l’acte, comme les suicides par exemple, va forcément augmenter», souligne-t-elle.
Pour limiter les effets délétères, «il faut parler. Parler par téléphone à leurs proches ou par Skype mais parler. C’est important que ces personnes ne restent pas seules par rapport à leur angoisse et à leur peur», recommande la psychologue.
De son coté, le chronobiologiste et psychiatre Patrick Lemoine explique qu’il faut se comporter comme si on était au travail et garder le même rythme. «Il faut faire comme si on était physiquement au boulot. C’est-à-dire qu'on prend les mêmes pauses, que ce soit pour boire son café et ou fumer sa cigarette. Le grand secret c’est de garder le même rythme.»
Les troubles du sommeil
De nombreux confinés ont complétement décalé leurs horaires de coucher et de lever. Or, même dans ces conditions exceptionnelles, il est impératif de respecter son rythme de sommeil habituel pour ne pas dérégler son horloge biologique et éviter les insomnies.
Comme l’explique le neurobiologiste Claude Gronfier, spécialiste des rythmes biologiques et du sommeil à l’Inserm (Centre de recherche en neuroscience de Lyon), «le sommeil est absolument capital. Il est impliqué dans la régulation de l’humeur, de l’anxiété, dans notre capacité à réagir face à des situations stressantes, ainsi que dans la régulation de notre système immunitaire, et on sait à quel point c'est particulièrement important en ce moment».
Et ce décalage peut avoir de lourdes conséquences surtout pour les gens du matin. En effet, selon le chronobiologiste et psychiatre Patrick Lemoine, auteur de «Remettez vos pendules à l'heure !» (éd. In Press), «les gens du matin qui vont se comporter comme des gens du soir vont tout décaler vers le bas et risquent de déclencher une dépression».
Pour limiter les troubles du sommeil, Claude Gronfier conseille de ne pas «aller courir trop tard le soir», car cela pourrait perturber l’endormissement, au même titre que «de prendre une douche trop chaude peu de temps avant d’aller se coucher». Alors qu'en ce moment l’usage des écrans explose chez les enfants, mais aussi chez les adultes, le neurobiologiste préconise également «un couvre-feu digital entre une et deux heures avant le coucher», afin de ne pas freiner la somnolence.
la prise de poids
En cette période de confinement, certaines personnes ont également tendance à grignoter davantage, à décaler les repas, voire à ne plus du tout passer à table, à se contenter de faire des allers-retours au frigo à chaque fois qu’on a une petite faim. Ce qui n’est pas sans conséquences pour le corps.
«La réduction volontaire de mobilité, d’approximativement 10 000 pas/j à approximativement 1 500 pas/j, maintenue pendant 14 jours chez des adultes indemnes de toute pathologie, augmente de 7% le volume du tissu adipeux abdominal profond (graisse corporelle, ndlr)», souligne l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Ainsi, «Il faut essayer de limiter un peu ses portions car on a tous beaucoup moins d'activités physiques, et donc moins de besoins en énergie», explique Florence Thorez, diététicienne nutritionniste. «Une bonne assiette, c'est une assiette à trois compartiments : une part de protéine animale ou végétale, une part de légume cru ou cuit et une part de féculent», détaille-t-elle.
De son côté, Patrick Lemoine rappelle que «si on mange de manière équilibrée à des heures fixes, on ne grossira pas, on sera énergique, et on dormira mieux». Et même les gens qui vivent seuls doivent s’imposer cette routine. Pour cela, «ils peuvent notamment organiser des repas Skype avec leurs amis. Il faut essayer d’être en compagnie malgré les circonstances, car on l'homme est un animal social», conseille le spécialiste.
La sédentarité
Fini trajets quotidiens pour aller à l’école ou se rendre au travail, les allers-retours au parc, ou encore les entrainements collectifs à la salle de sport. Depuis la mise en place des mesures de confinement, les Français ont drastiquement réduit leurs déplacements et donc leur activité physique.
Ce qui provoque une augmentation des temps de sédentarité, qui selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), «renforce toutes les causes de mortalité, double le risque de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité et augmente les risques de cancer du colon, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose, de troubles lipidiques, de dépression et d’anxiété».
Ainsi, l’Anses conseille de limiter le temps assis quotidiennement en se levant toutes les 30 minutes idéalement. Autre problème lié à la sédentarité, le manque d’exposition à la lumière naturelle. Or, le rythme de l’horloge biologique est influencé par la lumière.
Elle permet à l’horloge biologique de se recaler et d’exprimer le sommeil et l’éveil au bon moment notamment. «Il est donc très important de continuer à s’exposer quelques minutes à la lumière solaire, que ce soit en se mettant à sa fenêtre, sur son balcon ou sur sa terrasse», recommande Claude Gronfier.
le sevrage forcé
Dans le contexte actuel, il est difficile, voire impossible, pour les personnes addictes - alcool, drogues, médicaments,… - de se procurer les produits nécessaires à leur équilibre. «On a des vrais problèmes de sevrage. Nos urgences concernent beaucoup les sevrages forcés, liés au confinement ou à l’isolement.», rapporte l’addictologue Stéphanie Ledel.
Or, une restriction complète et trop brutale de la consommation d’alcool ou de substances psychoactives peut avoir des effets délétères chez les personnes dépendantes. Le syndrome de sevrage peut se caractériser par les signes suivants : tremblements, anxiété, agitation, dépression, nausées ou encore état de malaise.
«Dans la vie courante, ils ont l’habitude de se donner leur dose car le cerveau s’est habitué. Il n’est pas capable, du jour au lendemain, de passer à autre chose. Il y a une attente de produit extérieur pour que l’équilibre se fasse et que les choses passent plus ou moins inaperçues. Là, ils sont mis à mal en ce moment.», explique l’addictologue.
Pour accompagner les personnes ayant besoin de conseils, d'information, de soutien et d'écoute, les services d’aide à distance, «tabac-info-service» (39 19), «alcool-info-service» (0 980 980 930), et «drogue-info-service» (0 800 23 13 13), restent actifs durant le confinement. Il est également possible de prendre rendez-vous en téléconsultation avec son médecin traitant.