"Un mètre de sécurité, un mètre!", hurle un policier, près de l'étal d'un poissonnier. Au marché parisien de Barbès, moins grouillant qu'à l'accoutumée à l'heure du confinement, les policiers peinaient à faire respecter la "distance sociale" pour freiner le coronavirus.
- "Oui, oui, pardon, c'est pas évident", répond une cliente, prise en faute.
- "Si, c'est évident, il suffit d'observer, c'est pour vous!", rétorque l'agent.
Plusieurs dizaines de policiers et des agents de la mairie de Paris filtraient mercredi les entrées et multipliaient les patrouilles dans l'allée du marché pour dresser des PV de 135 euros aux personnes dépourvues d'attestation sur l'honneur justifiant leur déplacement.
En revanche, faire strictement respecter la "distance sociale" d'un mètre, comme le recommandent les autorités sanitaires, relevait de la mission impossible sur ce marché historique de Paris, créée en 1922, véritable institution de ce quartier populaire.
Et ce, en dépit des croix rouges dessinées à la bombe aérosol sur le bitume et des cagettes disposées tous les mètres devant les stands pour espacer les clients.
Des policiers locaux ont fait savoir leur opposition au maintien des marchés parisiens où la promiscuité expose selon eux trop fortement les agents - dont plusieurs portaient des masques - aux chalands qui, pour la majorité, manipulent les produits sans gants de protection.
Les marchés "où l'on voit des foules, les marchés qui ont beaucoup d'étals, les marchés où il y a autre chose que de l'alimentaire sont amenés à fermer", a indiqué sur LCI le ministre de la Santé Olivier Véran, souhaitant dans le même temps que ceux "où on va chercher à manger" restent ouverts.
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La mairie de Paris, pour l'heure, ne prévoit pas de fermer les marchés de la capitale mais n'a autorisé que les étals de denrées alimentaires, en application des mesures de confinement en vigueur depuis mardi midi.
"Dans les quartiers populaires, les gens ne sont pas partis. Et une partie de ces gens ne vont pas aux supermarchés parce que c'est trop cher", souligne un responsable de la mairie.
"Pas de queue"
Les commerçants grognent aussi, face à une affluence en forte baisse, affirment-ils.
"J'ai acheté pour 7.000 euros de fruits et légumes à Rungis, et je ne vais rien vendre. Dans 48 heures, tout est pourri!", s'énerve Radija Ben Makhlouf, à Barbès "depuis 38 ans". "J'aurais préféré qu'ils interdisent complètement, au moins, j'aurais pris les devants", dit-elle.
Zouhir Dani, gérant de la poissonnerie La Madrague, constate "80%" de baisse de fréquentation. Les invendus seront "donnés en priorité aux associations", se console-t-il. Il n'est pas sûr de revenir samedi: "Les bateaux ne sortent plus, on n'est pas sûr d'avoir des poissons".
En face, à la boucherie, Mohamed Bouzae est amer: "Hier à Belleville ça allait encore. Mais avec le confinement, c'est catastrophique. Si ça reste comme ça, on va arrêter". Le virus ? "Bien sûr qu'on a peur, mais on n'a pas le choix, il faut bien travailler"!
Les clients, eux, sont les seuls satisfaits. "Ca fait dix ans que je viens, on se fait toujours bousculer, voler ses affaires. Aujourd'hui on est tranquille, pas de queue", se réjouit Sophiane Laksari derrière son masque de protection.
Catherine Rives est venue de Pigalle pour faire ses emplettes, comme elle le fait "depuis des années". Peu craintive de la promiscuité, elle avait "besoin aussi de prendre l'air, de marcher un peu, sinon c'est à devenir fou". Dans son cabas, "plein de produits frais à cuisiner". "On ne va quand même pas manger que des pâtes!", rit-elle.
"Les prix défient toute concurrence. Je connais des gens du XVe arrondissement (sud de Paris, ndlr) qui viennent jusqu'ici faire leurs courses", affirme Moussa, habitué du marché "depuis 1983". Dans son sac, un régime de banane: "1,50 euro les 2 kilos, citez moi un endroit où c'est moins cher!"