«Plus d'un malade sur deux» non détecté : jeudi 5 mars, 93 patients atteints de la maladie de Lyme ont attaqué en responsabilité deux laboratoires pour la prise en charge tardive de leur maladie, jugeant leurs tests de dépistage «défectueux».
Devant le tribunal de Nanterre, les demandeurs, dont une dizaine avait fait le déplacement, ont réclamé 500.000 euros de dommages et intérêts chacun aux laboratoires DiaSorin et Bio-Rad pour leur «préjudice d'anxiété», né selon eux de l'incertitude sur la fiabilité des tests.
Des demandes qualifiées de «surprenantes» par la défense de DiaSorin.
Selon Catherine Faivre, avocate des demandeurs, «plus d'un malade sur deux ne pourra pas être détecté» avec les tests «Elisa». Ces derniers sont censés permettre d'isoler les anticorps attestant d'une infection par la Borrélia, la bactérie transmise par piqûre de tique responsable de la maladie. «C'est littéralement du pile ou face.»
Le test «Elisa» est systématiquement utilisé depuis 2006 pour détecter la pathologie, en vertu d'un protocole établi par les autorités sanitaires. S'il est négatif, le dépistage sérologique s'arrête là.
Une tique, qu'est-ce que c'est ?https://t.co/MmKnMuN9i0
— France Lyme (@francelyme) January 15, 2020
L'exemple de Frédéric Q., un Rémois de 45 ans, est emblématique. «Un test faussement négatif a fait que je n’ai pas été traité et que je suis devenu un malade chronique», témoigne-t-il auprès de l'AFP, en marge de l'audience. «J’étais un triathlète en pleine forme, dans la fleur de l'âge, avec un avenir professionnel et familial qui s’ouvrait devant moi, une piqûre de tique a tout ruiné». Et il a transmis la maladie, sexuellement transmissible, à son épouse, elle aussi non diagnostiquée à temps, qui l'a a son tour transmise à leurs enfants, par voie utérine.
Le problème de fiabilité réside notamment dans le fait que «les laboratoires ne recherchent que trois souches pathogènes» alors qu'il y en a «entre 15 et 20 selon le Centre national de référence de Strasbourg», explique Me Faivre.
Pour Me Julien Fouray, autre avocat des demandeurs, ce test est un «produit défectueux» qui «ne prend pas en compte l'évolution des connaissances».
Un diagnostic «horriblement difficile»
«En tant qu'industriel, je me fonde sur les données des sociétés savantes comme l'ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament, NDLR). On ne peut pas aller hors des clous», a rétorqué Denis Schertenleib, défenseur de la multinationale Bio-Rad.
Ce dernier argue en outre que les trois souches recherchées par le test sont les «plus courantes» en Europe.
«On comprend leur colère», a indiqué pour sa part Alain Gorny, qui défend DiaSorin, mais «le diagnostic de la maladie de Lyme est horriblement difficile et s'il n'y avait pas le test Elisa, tout imparfait qu'il soit, les patients seraient encore plus perdus».
Ce test n'est, selon lui, «qu'une aide au diagnostic» et le fait qu'il produise «des faux négatifs (test négatif à tort NDLR) et des faux positifs, est inhérent à la technique, il n'y a pas un fabricant au monde qui soit capable de faire mieux».
Exploration tridimentionnelle du repas sanguin de la #tique #IxodesRicinus réalisée pour la 1ère fois par des chercheurs de l’unité BIPAR @Anses_fr @Env_Alfort @INRAE_France #SantéAnimale et leurs partenaires. In @SciReportshttps://t.co/ETv8hvSqHf pic.twitter.com/EpG0E9k8EL
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Lorsqu'elle est dépistée rapidement, la maladie de Lyme se guérit facilement, par prise d'antibiotiques. Mais elle est difficile à identifier dans ses formes tardives, car ses symptômes ne sont pas spécifiques (maux de tête, nausées, douleurs articulaires et musculaires, problèmes neurologiques, etc.).
En France, la maladie de Lyme - dont le nombre de cas est probablement sous-évalué car ce n'est pas une pathologie à déclaration obligatoire - a touché plus de 68.500 personnes en 2018, soit en moyenne 104 cas pour 100.000 habitants, selon les dernières estimations publiées par l'agence Santé publique France.
La décision du tribunal est attendue le 2 juillet.