Elles sont juste derrière Anne Hidalgo dans les sondages, en embuscade si la maire sortante venait à connaître un coup de mou. Mais Rachida Dati (LR) et Agnès Buzyn (LREM) ne pourront espérer conquérir la mairie de Paris tant qu'elles seront deux pour un fauteuil, car elles marchent sur les mêmes plates-bandes.
La nouvelle candidate LREM a dévoilé son programme ce dimanche 23 février dans le JDD. Si elle évacue les propositions les plus polémiques de Benjamin Griveaux (déplacement de la gare de l'Est et apport de 100.000 euros pour acheter un logement), elle conserve largement le reste des mesures de son prédécesseur. Et malgré quelques ouvertures vers l'écologie et le social, ses «deux priorités sont la sécurité et la propreté».
Des préoccupations similaires à celles de Rachida Dati, qui prône avant tout «tranquillité et propreté». D'ailleurs, les propositions phares des deux candidates diffèrent légèrement sur la forme mais peu sur le fond : création d'une police municipale dotée d'armes létales et «décentralisation» de la gestion de la propreté aux maires d'arrondissements.
Le programme d'Agnès Buzyn «parle à la droite», note ainsi Cédric Villani sur CNews, le candidat LREM dissident, ce dimanche. «Elles répètent toutes les deux la même chose», pointe-t-on dans l'entourage d'Anne Hidalgo. Une stratégie logique pour le parti présidentiel à la vue des résultats des élections européennes l'an dernier dans la capitale, l'une des principales leçons ayant en effet été le basculement à droite de l'électorat macroniste.
La migration des électeurs #LREM entre la présidentielle et les européennes, à Paris. pic.twitter.com/LAaRuS0rbX
— Angelo Pardi (@UnMilitant) May 28, 2019
Sans surprise, Rachida Dati mitraille : «Si Agnès Buzyn veut copier le programme, qu'elle le copie ! J'avais des intuitions liées à mon bilan de maire du 7e. J'ai décidé de m'en inspirer pour élaborer un programme dans la proximité».
Chez la dernière arrivée, on estime que ces choix relèvent de la logique : «la sécurité et la propreté sont les deux principales préoccupations des Parisiens (...) Agnès Buzyn et Rachida Dati partagent ce constat». Mais l'entourage de l'ancienne ministre de la Santé met en exergue une «différence majeure : la compétence. Agnès Buzyn a prouvé, par ses différentes expériences passées, sa capacité à gérer de grandes administrations et à faire preuve de leadership, avec son style à elle : bienveillance et collaboration». Des arguments visant à se démarquer de la rivale LR, qui a été ministre de la Justice mais plus clivante. Et ce, bien que la situation dans les hôpitaux ne soit guère apaisée.
Des candidates qui se canibalisent
Mais au final, les deux candidates se disputent le même électorat et se cannibalisent, même si on peut estimer qu'elles sont sur deux différents courants traditionnels de la droite. Agnès Buzyn pourrait être cataloguée comme «orléaniste» et libérale, tandis que Rachida Dati s'apparenterait davantage au mouvement «bonapartiste» et gaulliste.
Pour rappel, lors de l'élection municipale précédente, en 2014, la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet était confrontée à un dissident à droite, Charles Beigbeder, mais avait le soutien de l'UDI et du Modem (aujourd'hui chez Agnès Buzyn). NKM avait engrangé 36 % des suffrages au premier tour (contre 6 % pour la dissidence) et 43 % au second.
Dans le dernier sondage en date, paru ce dimanche dans le JDD, Rachida Dati est créditée de 22 % d'intentions de votes et Agnès Buzyn de 19 %. En cumulé, cela représenterait 41 %.
Si la situation peut encore évoluer – certains arguant que les électeurs préfèreront l'originale à la copie –, en l'état actuelle des choses, ni Rachida Dati, ni Agnès Buzyn, n'a de chance de gagner face à Anne Hidalgo. Au second tour, aucune des deux ne pourra compter sur des réserves de voix, alors que la maire sortante, elle, devrait nouer une alliance avec les écologistes. Seul le retrait de l'une d'entre elles pourrait permettre à l'autre d'avoir une chance.
«Attention qu'il n'y ait pas un accord à la fin», avertit toutefois un conseiller macroniste. Sans préciser dans quel sens irait le ralliement. Rachida Dati laisse aussi la porte ouverte dans Le Parisien : «évidemment, personne ne pourra gagner tout seul. (...) Le soir du premier tour, en fonction des scores, se posera la question de la meilleure manière de tourner la page Hidalgo». L'ancien et le nouveau monde semblent donc être voués à se rassembler autour de la table de négociation.