Dans le cadre de sa lutte contre le «séparatisme islamiste», le président de la République souhaite mettre un terme à la présence d'imams détachés en France. A quoi fait-il référence ?
Qui sont les imams détachés ?
Les imams détachés sont des religieux musulmans étrangers qui officient en France. Ils sont payés par leur pays d'appartenance. Selon une mission d'information sur «l'organisation, la place et le financement de l'islam en France et de ses lieux de culte», publiée par trois sénateurs en 2016, ils seraient au nombre de 301 dans l'Hexagone. Ces imams viendraient majoritairement de Turquie (151), d'Algérie (120) et du Maroc (30).
Pourquoi viennent-ils en France ?
La venue de ces professionnels de la religion permet de combler un manque. «Les imams détachés constituent un palliatif dans l’attente d’imams formés en France», écrivent les sénateurs dans le rapport de 2016. En France, seules deux institutions distillent une formation pour les musulmans qui souhaitent guider la prière : la Grande mosquée de Paris et l'Institut européen des sciences humaines (IESH). Difficile dans ce contexte de former suffisamment d'imams capables d'assurer le culte dans les 2.500 lieux de culte musulmans en France.
Pourquoi leur présence pose-t-elle problème ?
Les problèmes liés aux imams détachés seraient leur dépendance à leur pays d'origine, leur manque de connaissance du contexte socio-culturel français et leur incapacité à parler en français. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, s'en est ému sur France Inter, mercredi 19 février, en déclarant «qu’on doit prêcher en français quand on est en France».
.@CCastaner : "Chaque année, 300 imams viennent de pays étrangers, ne parlent pas forcément français, prêchent dans ces lieux de culte et animent la communauté et ça n'est pas normal. On doit prêcher en Français quand on est en France." #le79Inter pic.twitter.com/xmyTnfUFiR
— France Inter (@franceinter) February 19, 2020
Un faux problème, selon les trois sénateurs de la mission d'information. «Le risque de radicalisation lié aux prêches en langues étrangères est largement fictif», estiment-ils. Leur discours serait encadré par leur état d'origine et ils aurait un bagage théologique solide, «ce qui n'est pas le cas de nombreux imams français, bénévoles et non formés», argumente dans La Croix le père Christian Delorme, prêtre lyonnais et bon connaisseur de l'islam. «La radicalisation s’opère essentiellement hors des lieux de culte», jugent les sénateurs.
Que souhaite le gouvernement ?
Sur le plan des effectifs, il est pour l'instant impossible de faire sans ce contingent d'imams étrangers pour assurer le prèche dans les lieux de culte musulmans. Pourtant, Emmanuel Macron a assuré le 18 février vouloir que la communauté musulmane s'en passe. Christophe Castaner a affiné l'échéance de cette fin annoncée par le président de la République : elle devrait être effective en 2024, le temps que les titres de séjour de trois ans accordés aux imams se terminent.
Le nerf de la guerre reste la formation d'imams français. Conformément au principe de laïcité, l'Etat ne peut pas s'en occuper et souhaite que le CFCM (Conseil français du culte musulman) prenne le problème à bras le corps. Emmanuel Macron l'a dit clairement : «nous attendons pour la fin du mois de mars des propositions concrètes» pour former et certifier des imams «respectueux des lois de la République». Une volonté réaffirmée plusieurs fois par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 2003 et la création de cette instance censée représenter les fidèles de la deuxième religion de France...