Avec le changement climatique, la question de l'écologie est devenue un thème central de la campagne municipale à Paris. Si bien que les propositions vertes se multiplient. Voici les visions respectives de David Belliard, Anne Hidalgo et Cédric Villani, trois candidats dont l'alliance est évoquée dans une «coalition climat».
la vision de l'écologie
Dénonçant «un modèle de surconsommation néfaste pour le climat et l'environnement», David Belliard, le candidat EELV, appelle dans son livre Paris, rêve de gosse, à une «révolution écologique de la capitale et de sa métropole». Et sa vision est également socio-économique, passant par la redistribution, car il n'entend pas «réserver l'écologie aux plus riches et aux puissants». L'écologiste «ne pense pas que le progrès technologique nous sauvera [...], que l'intelligence artificielle est la réponse ultime au dérèglement climatique et que nous pourrons tout régler sans vraiment changer».
Il tacle également «celles et ceux qui se disent 'vraiment écologistes' [...] tout en continuant à faire comme avant... à bétonner des espaces de pleine terre, à construire des tours de bureaux, ou à organiser des événements internationaux néfastes pour le climat, dont les Jeux olympiques sont une caricature».
Anne Hidalgo est plus nuancée dans son livre Le lieu des possibles : «tracer une frontières entre croissance et décroissance, dissocier clairement les dimensions économiques et écologiques, penser séparément les problèmes de fin du monde et de fin du mois est une erreur fondamentale». Face à «l'ultralibéralisme qui est une impasse», elle appelle ainsi à «changer radicalement de vision», avec un «progrès» qui «lutte dans un seul et même mouvement contre le réchauffement climatique et les inégalités sociales».
Pour autant, la maire sortante souligne l'importance «d'un environnement économique attractif» pour la ville, qui doit «attirer de nouvelles entreprises», pas pour créer de la richesse, mais afin «d'améliorer le niveau de vie des Parisiens». Elle se réjouit aussi que Paris soit «la capitale européenne des nouvelles technologies, des start-up et demain de la finance verte», même si elle reconnaît que «pour la première fois de notre Histoire, le progrès [...] n'est pas la réponse aux souffrances de notre Terre».
Cédric Villani, lui, veut être «le premier maire écologiste de Paris» grâce «l'écologie progressiste», évoquée dans son livre Le nouveau Paris. Selon le dissident LREM, «notre mode de vie est à revoir» et il plaide ainsi pour «un nouveau modèle de société». Le maire de Paris y aurait un rôle central «en favorisant le consensus entre ceux qui réclament une action immédiate [...] et les responsables du monde économique, les représentants des automobilistes, des industries, qui réclament de la douceur dans la transition».
D'ailleurs, une fois «rationnalisée», l'écologie pourra aussi «générer des économies, des revenus, des emplois», selon lui. Cédric Villani précise toutefois que cette politique devra se faire «avec les enjeux sociaux en ligne de mire [...], une exigence de justice sociale». Et logiquement, le mathématicien veut «s'appuyer sur les travaux de scientifiques», car selon lui, «pour adapter nos comportements à cette nouvelle donne, il faudra inventer de nouveaux outils».
Les transports
Cycliste de longue date, David Belliard souhaite dans son programme «donner la priorité au triptyque 'vélo, marche, transports publics'». L'écologiste entend pour cela créer «un réseau de proximité de pistes cyclables dans tous les quartiers, de manière à ce que toutes les rues puissent être empruntées par les vélos dans les deux sens et sans risque». Au programme aussi, des «voies express vélo à l'échelle du Grand Paris, afin de parcourir de longues distances».
Concernant l'échec Vélib', il appelle à un audit et à «envisager un changement d'opérateur». Il veut même aller plus loin en proposant «une nouvelle offre», dont la «location longue durée de vélos de formes et d'utilités différentes». Pour soulager certaines lignes de métro saturées, David Belliard propose qu'elles soient «doublées [à la surface] par des voies cyclables bidirectionnelles ; la 13 est clairement une priorité».
Dans la même optique, le candidat EELV défend la création d'un nouveau tramway qui relierait les cinq gares Montparnasse, Austerlitz, de Lyon, de l'Est et du Nord. Autre proposition forte de David Belliard : supprimer la moitié des places de parking en surface en cinq ans, «soit l'équivalent de 60 hectares reconquis sur la voiture». Les places ainsi libérées pourront accueillir « des jardinières, des terrasses, des arbres ou bien encore des bancs » et des pistes cyclables. Enfin, il veut renforcer la zone de faible émission (ZFE) «afin de la limiter aux seuls véhicules CRIT'AIR 0 et 1 en fin de mandat».
On ne peut enlever au bilan d'Anne Hidalgo qu'elle est l'une des premières maires de grandes villes françaises à avoir pris des mesures fortes pour lutter contre la pollution. Elle se vante ainsi d'avoir «réduit de 25% les émissions locales parisiennes en 2018 par rapport à 2014», notamment avec la piétonnisation des quais de Seine. Pour «continuer à faire diminuer la place de la voiture», Anne Hidalgo reprend certaines propositions de David Belliard, telles que la suppression de la moitié des places de parkings de la capitale (soit 60.000) pour les transformer en pistes cyclables.
Dans son programme, entend aussi rendre «100 % des rues cyclables et sécurisées». Concernant les transports en commun, la maire sortante souligne que «certaines lignes [de métro] peuvent être automatisées facilement, il faut le faire». Enfin, elle maintient ses promesses de «fin du diesel en 2024 et des moteurs thermiques en 2030» et de l'interdiction des cars de tourisme d'ici à 2024.
De son côté, Cédric Villani a annoncé vouloir «investir un milliard d'euros dans un plan de modernisation du métro», avec notamment l'automatisation des lignes 7, 8 et 13, la mise en «accessibilité à tous» des lignes 1, 2 et 6, la mécanisation des escaliers et la dépollution du réseau. Autre idée : un plan de 400 millions d'euros pour la construction de pistes cyclables, en vue de «doter chaque quartier de pistes continues et sécurisées dès 2022» et «créer 1.000 kilomètres de pistes nouvelles» à l'échelle du Grand Paris.
Enfin, le médaillé Fields souhaite recourir à l'intelligence artificielle pour «coordonner les feux, fluidifier la circulation, anticiper les embouteillages et réduire les temps de transport», mettre en place un système à la demande pour les bus ou encore «organiser de façon rationnelle» la circulation des bus de touristes. «Assumant l'objectif 2030 pour mettre fin à la circulation des véhicules thermiques (à énergie fossile)», il entend créer «une flotte de bus et de navettes propres [...] dépendant de la ville».
La place de la nature
David Belliard défend l'aménagement de «deux grands parcs» sur «les deux dernières friches de la SNCF» existantes dans la capitale : à Bercy-Charenton (12e) et à Paris-Nord Est. Selon lui, 100 hectares seraient ainsi rendus à la nature, soit «l'équivalent de quatre parcs des Buttes-Chaumont (19e)». Il veut aussi «atteindre 100.000 nouveaux arbres plantés à Paris d'ici à 2026».
Son but : «que chaque Parisien vive à moins de trois minutes à pied d'un espace naturel». Cela passerait notamment par la végétalisation des berges de Seine. Par ailleurs, l'écologiste pousse pour une nourriture moins carnée et davantage végétale, avec de nouveaux dispositifs pour rendre les aliments bio moins chers.
De son côté, Anne Hidalgo promet la plantation de 170.000 arbres en six ans («un pour chaque naissance d'un petit parisien»), la création de «forêts urbaines» (derrière l’Opéra, sur le parvis de l’Hôtel de ville et devant la gare de Lyon) ainsi que de «deux nouveaux grands parcs (Bercy-Charenton et sur l'héliport de Balard (15e)». La maire sortante a aussi pour projet de piétonniser le centre de la capitale ainsi que «des quartiers dans tout Paris», tandis qu'elle a réitéré sa promesse de pouvoir se baigner dans la Seine «d'ici à 2024».
De plus, elle milite en faveur de l'agriculture urbaine, avec notamment la création «d'une sorte de coopérative pour sécuriser l’approvisionnement» en amont des cantines scolaires. Enfin, elle met l'accent sur la protection des animaux «en créant toujours plus d’espaces naturels végétaux et aquatiques et en limitant la pollution lumineuse».
Le dissident LREM dit dans son programme vouloir «préserver chaque mètre carré d'espaces verts et saisir toutes les occasions d'en rajouter». Cela passerait en particulier par le percement de «trois promenades plantées». «La plus majestueuse sera métropolitaine : elle reliera la Seine au Stade de France (à Saint-Denis, 93) en passant par le canal Saint-Martin, rendu à la lumière sur une partie de son parcours, et le canal de l'Ourcq».
Il propose également «que les menus, des cantines aux Ehpad, soient à 100 % bio dont une partie issue de circuits courts», en développant les «alternatives végétariennes». Par ailleurs, Cédric Villani souhaite créer un poste d'adjoint au maire chargé du bien-être animal.
L'urbanisme
Face à la pollution respirée par les enfants, l'écologiste désire «piétonniser les abords des crèches et des écoles». Plus largement, il entend créer «dans chaque arrondissement au moins une zone piétonne et cyclable d'ici à 2025», tandis que la largeur minimale de tous les trottoirs serait portée à 2 mètres.
Le périphérique aurait aussi droit à sa révolution, car il serait transformé en un boulevard urbain, où la vitesse serait limitée à 50 km/h (et à 30 km/h dans Paris), avec un jour par mois une journée sans voiture. En outre, David Belliard entend mettre fin aux grands projets de bétonisation, en particulier à celui de la ZAC Bercy Charenton. A la place de «l'hyperdensification», il préconise de «faire de chaque friche un jardin».
Si la socialiste a gouverné en nouant une alliance avec les Verts, son bilan est très critiqué par une partie des écologistes sur le plan de l'urbanisme. Anne Hidalgo a en effet soutenu plusieurs grands projets polémiques, comme la Tour Triangle, le TEP Ménilmontant ou encore la ZAC Bercy-Charenton. Mais l'élue de gauche martèle qu'il n'est pas question pour elle de «de figer la ville», puisqu'il faut au contraire «continuer à construire des logements et des équipements». Citant l'exemple du TEP Ménilmontant, où les constructions ont finalement été abandonnées, Anne Hidalgo a toutefois admis «qu'il faut faire des compromis» sur le sujet.
De plus, elle souhaite continuer son programme de réaménagement des «places emblématiques parisiennes», cette fois avec la Concorde, Etoile, Stalingrad, Colonel-Fabien, Denfert-Rochereau, Trocadéro, Châtelet, Félix-Éboué et même les Champs-Élysées». L'idée serait de «redonner toute la place aux piétons et aux cyclistes» et d'y ajouter de la verdure. Idem pour les portes de Paris, en particulier pour celle de La Chapelle. La maire sortante désire aussi remanier largement le périphérique.
Cédric Villani, lui, entend «mettre fin à la bétonisation de Paris». Pour cela, il faudrait réexaminer «chaque projet de tour» dans la capitale et en particulier «réétudier» le projet d'aménagement de Bercy-Charenton. Plus largement, sa volonté est «d'apaiser des quartiers entiers dans lesquels les espaces piétons seront sacralisés» et la circulation «restreinte à quelques heures dans la journée». Des rues seraient «végétalisées autour d’espaces verts et d’îlots de fraicheur», tandis que le canal Saint-Martin serait piétonnisé dans son intégralité sur une de ses rives.
Les déchets
David Belliard propose que Paris devienne «un territoire zéro déchet». Dans cette optique, «le recyclage est indispensable mais il ne nous sauvera pas». Plusieurs autres mesures doivent être mises en place, et surtout en touchant les plus pollueurs au porte-monnaie : «faire en sorte que ceux qui jettent moins payent moins» grâce à la suppression de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la création «d'une redevance incitative».
Pour lutter contre le plastique et les emballages jetables, David Belliard veut aussi peser sur les entreprises, par exemple en «conditionnant l'attribution de subventions ou l'autorisation de la tenue d'événements». Bien-sûr, les institutions gérées par la ville, comme les Ephad, les cantines et les crèches participeraient aussi à cet effort. Il veut aussi faire des rues sans déchet «partout dans la capitale», et plus largement «supprimer la publicité qui incite à la surconsommation».
La maire sortante vise elle-aussi le zéro déchet, grâce à «la limitation de l'utilisation du plastique dans l'espace public» et un travail «en partenariat avec des acteurs associatifs». En revanche, pas question pour Anne Hidalgo d'interdire les panneaux de publicité, une manne financière qui rapporte «chaque année 40 millions d'euros à la ville», et qui servent «pour moitié à l'information des citoyens».
Quant au médaillé Fields, il mise à nouveau beaucoup sur la technologie dans ce domaine. Cédric Villani propose en effet d'utiliser «un logiciel entraîné à reconnaître des dizaines de catégories de déchets qui, grâce aux caméras installées sur les véhicules de la ville, permet d'établir un état des lieux en temps réel du degré de saleté des rues et d'optimiser les itinéraires et fréquences de nettoiement».