Piotr Pavlenski, l’homme qui a revendiqué la diffusion des vidéos privées de Benjamin Griveaux, est un ressortissant russe réfugié politique en France. Après cet acte, et alors que son CV affiche plusieurs démêlés avec la justice française, des voix s’élèvent pour révoquer son statut.
Le député LREM Bruno Questel a été particulièrement virulent sur le sujet, indiquant que «la première chose à faire, est de le mettre dans un avion direction la Russie, pour voir avec M.Poutine s’il peut faire ce genre de conneries (sic)». Dans des termes plus posés, il a précisé sa façon de penser sur France 3, expliquant que «quand on demande à un pays de nous accueillir pour être protégé, je pense que l’on doit réfléchir sinon s’abstenir de porter des actes destinés à déstabiliser nos institutions». La question de sa présence sur le territoire national doit être posée, a-t-il affirmé.
Mais la France peut-elle réellement retirer l’asile politique dont bénéficie Piotr Pavlenski, et le renvoyer en Russie ?
plusieurs affaires depuis son arrivée
Piotr Pavlenski est réfugié politique dans l’Hexagone depuis mai 2017. A l’époque, alors qu'il avait multiplié les actions contre le pouvoir russe, il faisait l'objet de poursuites judiciaires, non pas pour des motifs politiques, mais pour des accusations de violences et d’abus sexuels. Il se disait menacé d’être enfermé dans un camp. Les charges ont été abandonnées par la justice russe lorsqu’il a quitté son pays.
Peu de temps après, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2017, il avait brisé les vitres de la Banque de France, place de la Bastille, à Paris, avant de mettre le feu à la façade. Il avait alors été condamné à trois ans de prison, dont un ferme.
Il est également soupçonné d’avoir donné des coups de couteau à deux personnes lors d’une altercation dans un appartement, avant de s’enfuir, le 31 décembre 2019. C’est dans ce cadre initial qu’il a d’ailleurs été interpellé, samedi dernier, avant que les enquêteurs ne basculent sur la question des vidéos à caractère sexuelles de Benjamin Griveaux, pour lesquelles une enquête a été ouverte pour «atteinte à l’intimité de la vie privée».
un cadre très strict pour récuser un réfugié politique
Concrètement, celle-ci ne devrait pas donner lieu à une révocation du statut de réfugié politique de Piotr Pavlenski. En effet, selon un article du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est seulement possible d’y mettre fin si «la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat» ou si «la personne a été condamnée (…) pour un crime, un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française».
Étant établi que la loi «pour une République numérique», punit «toute personne qui en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, porte à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel» de deux ans de prison et 60.000 euros d’amende, l’activiste russe n’entre donc pas dans les critères décrits plus haut.
Interrogé par France 3, l’avocat Gaston Gonzalez indique cependant qu’il est théoriquement possible de lui retirer son statut de réfugié politique. Il ne s’agirait pas alors de sanctionner son dernier acte mais toute la série d’infractions qu’il a commises. Il pourrait alors être considéré comme une menace à l’ordre public, décrit l’avocat.
Un renvoi en Russie improbable
Si tel était le cas, la France se heurterait alors à la Convention de Genève, qui ne prévoit que trois critères pour exclure une personne du statut de réfugié politique : lorsqu’elle commet un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ; lorsqu’elle commet un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil ; lorsqu’elle commet des agissements «contraires aux buts et principes des Nations unies» (concernant cette dernière condition, des réfugiés srilankais condamnés en 2018 pour avoir financé l’organisation des Tigres tamouls, classée comme terroriste par la France, devaient ainsi être exclus).
Il est également bon de rappeler qu’en cas de révocation du statut de réfugié politique d’une personne, son renvoi dans son pays d’origine n’est pas acquis, explique la Cour nationale du droit d’asile. Elle continue ainsi de bénéficier des droits prévus par la Convention de Genève, qui empêche de lui faire prendre le risque de persécution pour ses convictions politiques si elle est exclue du territoire. Or, en octroyant l'asile politique à l'activiste en 2017, la France a, de fait, reconnu ces risques de persécution s'il rentre chez lui.
Pour toutes ces raisons, il apparaît très improbable de voir Piotr Pavlenski être révoqué de son statut de réfugié politique en France, et renvoyé en Russie.