Les victimes avaient l'impression de faire une affaire, un investissement des plus rentables. Les sites internet frauduleux promettaient un rendement de 5 à 35 %, loin devant les classiques livrets bancaires.
Mais en proposant à des épargnants français et belges de miser sur des cryptomonnaies, des diamants ou de l'or, les malfaiteurs les arnaquaient par dizaines. Une mairie s'est même fait prendre au piège.
C'est la plainte d'une habitante de Selestat en Alsace qui intrigue les gendarmes en novembre 2017. Cette femme explique avoir investi plus de 15.000 euros d'économies via un site internet qui lui annonçait qu'il pouvait les faire richement fructifier. Et c'était le cas. Sur le papier en tout cas, sur un compte en fait virtuel.
Au moins 85 personnes escroquées
A tel point que l'épargnante décide un jour de récupérer sa mise et le fruit de son juteux investissement. Manœuvre impossible, entre temps, les interlocuteurs se sont évaporés. Pas de gains, plus de mise de départ, l'escroquerie est consommée.
Mais en démêlant les fils de ce premier cas, ce sont 85 victimes en majorité françaises que vont découvrir les gendarmes de la Section de recherche de Strasbourg. Et potentiellement des centaines d'autres encore inconnues.
6 millions d'euros de préjudice
Pour chacune, le même procédé. Via un call center en Israël, des individus démarchaient des épargnants ou inversement, des épargnants répondaient à une publicité avant d'investir leurs économies. L'argent récolté par les malfaiteurs transitait ensuite via des comptes rebonds en Europe (Portugal, République tchèque, Pologne...) pour atterrir sur des comptes en Asie, dans des pays peu propices à la coopération judiciaire avec la France.
Certaines victimes ont perdu plus de 100.000 euros, précise une source proche de l'enquête. Sur le temps de l'enquête ouverte, le préjudice consommé s'établit a 6 millions d'euros et des tentatives d'extorsion pour un montant de 9 millions d'euros ont pu être déjouées. Sans compter les arnaques qui ont pu être menées à bien avant l'ouverture de l'enquête.
Une enquête internationale
Au printemps 2018, la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Nancy ouvre une information judiciaire pour escroquerie en bande organisée, qui a nécessité une équipe commune d'enquête Franco-belge, la coopération des services israéliens et un appui d'Europol et d'Eurojust. «Nous avons affaire à une véritable entreprise illégale, des suspects qui fonctionnaient en vrais chefs d'entreprise, mais des voyous, confie à CNEWS une source proche de l'enquête.
C'est une nouvelle criminalité, de haut niveau, qui sait parfaitement utiliser les circuits financiers. «Au final, c'est un important réseau de ce que les spécialistes appellent le «cambriolage numérique» qui va être démantelé.
Une tête pensante, basée à Israël, déjà connue de la justice
Avec une tête pensante qui tirait les ficelles depuis Israël, et par n'importe laquelle. Les enquêteurs s'aperçoivent que celui qu'ils suspectent d'être la tête de réseau n'est autre que Fabrice Sakoun, un quadragénaire franco-israélien en cavale depuis sa condamnation à 5 ans de prison ferme en France en 2012 dans l'affaire de la fraude à la taxe carbone. L'individu avait assisté à son procès mais avait fuit le territoire français juste avant le jugement du tribunal.
D'ores et déjà, quatre personnes ont été mises en examen en France dont trois placées en détention provisoire, suspectées d'avoir servi de facilitateurs, de logisticiens. Des soupçons qui pèsent sur six autres personnes vivant en Israël en dehors de Fabrice Sakoun. Entendu en Israël dans le cadre de l'enquête judiciaire sur les arnaques aux investissements, le suspect principal pourrait être extradé par Israël où il s'est établi.