Après plusieurs évacuations pendant l'été, entre 400 à 800 migrants sont désormais installés sous des tentes à Saint-Denis (93). Le système des «mises à l'abri» successives semble inefficace pour empêcher la reformation des campements de fortune en région parisienne.
Situé entre l'autoroute et le canal Saint-Denis (93), ce campement est principalement constitué d'Afghans, selon l'Afp. Si certains d'entre eux viennent d'arriver, de nombreux autres sont juste les laissés-pour-compte de l'administration publique, bringuebalés d'un campement à un autre au fil des évacuations.
Le «changement d'approche» de didier lallement
Pourtant, en janvier dernier, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, avait bien promis un «changement d'approche». Son but était de prévenir toute nouvelle installation de campements en faisant immédiatement intervenir les forces de l'ordre. Résultat : les migrants sont de moins en moins visibles, relégués aux confins de la capitale.
«J'ai proposé au ministre un changement d'approche. Nous ne recommencerons pas un cycle infini évacuations/réinstallations. Ce serait incompréhensible pour les concitoyens», avait expliqué Didier Lallement en janvier dernier, soulignant à l'époque que les camps de migrants étaient des «des lieux de pauvreté et de désespoir mais aussi de criminalité».
Pour cela, la préfecture de Police de Paris avait annoncé «mettre en place un dispositif spécifique établi sur des moyens humains importants et sur le développement accru de la sécurisation passive», censé «prévenir toute nouvelle installation de ces campements sur ces sites comme dans d’autres lieux de la capitale».
Des policiers en nombre sur le terrain
Concrètement, il s'agit de déployer sur le terrain des effectifs de la préfecture de police de Paris dédiés, munis de caméras-piétons embarquées – appelées «la vidéo-patrouille» – et appuyés quotidiennement «par des unités de forces mobiles mises à la disposition de la préfecture».
Toute personne qui essaierait de se réinstaller serait alors, selon la préfecture, «immédiatement contrôlée» et «sa situation administrative vérifiée», avec le risque d'être placée sous le joug d'une procédure de placement en centre de rétention administrative «en cas de séjour irrégulier sur le territoire national».
Pour justifier du bon fonctionnement de ce dispositif, Didier Lallement avait rappelé que celui-ci avait déjà été mis en place en novembre dernier porte de la Chapelle, au lendemain du démantèlement du campement qui s'y trouvait, et où aucune tente n'a été réinstallée depuis. «Vous pourrez constater qu'à la Chapelle, le terrain est libre de toute installation. Nous allons procéder exactement de la même manière», avait-t-il avancé.
«Rien de nouveau» selon les associations
«Rien de nouveau» pourtant, avait estimé Julie Lavayssière, responsable locale au sein de l'association Utopia 56, qui assure que la mise en place de dispositifs policiers est courante après chaque évacuation, et ce, depuis des années. Pour elle, rien n'a changé sinon «une énorme présence policière ainsi que la recrudescence d'arrestations, avec beaucoup de contrôles d'identité».
Et la situation n'est pas prête de s'améliorer selon elle, si la présence policière «ne s'accompagne pas de véritables mesures». Parmi elles, Julie Lavayssière cite l'ouverture de nouveaux centres d'hébergement, l'accueil inconditionnel des «Dublinés» [surnom donné aux migrants qui ont déposé une première demande d'asile dans un autre pays européen que la France] ou encore la non-confiscation des droits aux allocations, appelées «conditions matérielles d'accueil» (CMA).
Un manque de structures d'accueil
«J'aime beaucoup quand ils disent que ce sera le dernier campement parisien, mais de fait, si les migrants ne sont pas accueillis, il faut bien qu'ils dorment quelque part», explique la responsable d'Utopia 56. A titre d'exemple, Julie Lavayssière cite une étude réalisée sur 450 migrants en procédure d'asile, entre juillet et octobre 2019. Parmi eux, 67 % n'avaient jamais reçu et s'étaient vu refuser ou suspendre leurs CMA.
Ainsi coupés de leurs seules ressources, et remis à la rue, les migrants – même ceux munis de leur récépissé de demande d'asile – sont alors soumis, selon elle, «à une précarité maximum, sans possibilité d'hébergement». Alors bien obligés de vivre dans «l'invisibilisation totale» jusqu'à la prochaine évacuation.