Le chef étoilé Marc Veyrat a perdu son procès contre le guide Michelin, auquel il demandait de lui donner les critères de la rétrogradation de son restaurant savoyard de trois à deux étoiles.
«J'ai beaucoup de respect pour le Michelin en France», mais «ils ont fait une erreur sur moi, qu'ils le reconnaissent!», avait clamé avant que la décision soit rendue le célèbre cuisinier au chapeau noir.
Par la voix de son avocat Emmanuel Ravanas, Marc Veyrat avait notamment demandé, lors de l'audience fin novembre, à obtenir les preuves des inspections du guide et «la trace des débats» ayant conduit au déclassement de son établissement savoyard La Maison des Bois.
Le restaurant, qui avait obtenu sa troisième étoile en 2018, avait en effet été déclassé un an plus tard.
Marc Veyrat avait alors essayé de «comprendre»: une réunion avait été convoquée en mars en présence du directeur du guide Gwendal Poullennec. On aurait alors opposé au chef -ce que dément catégoriquement la partie adverse- une «saint-jacques cotonneuse» (en réalité du poisson local, explique le chef) et l'usage de «cheddar» dans un plat, alors que le cuisinier se targue de n'utiliser que des produits du terroir.
N'ayant pu obtenir son déréférencement du guide, il avait donc attaqué en justice.
«On ne vient pas interdire la critique, on veut vérifier que des critères existent et qu'ils ont été appliqués en l'espèce», avait expliqué à l'audience Me Ravanas, demandant un euro symbolique de réparation pour le préjudice subi par son client qui s'était dit en «dépression» après ce déclassement.
Depuis, son chiffre d'affaires a pourtant grimpé de «7%» en un an, reconnaît l'intéressé. «Même entre Noël et le 1er de l'An, on est plein. On n'a jamais été aussi plein!», se réjouit le chef de 69 ans, à quelques jours du réveillon.
«Je n'ai vraiment pas besoin d'eux», en conclut-il, faisant allusion au guide. «A ce compte-là, je veux bien qu'ils m'enlèvent toutes mes étoiles!», raille encore le cuisinier qui estime avoir fait l'objet d'un «règlement de compte» de la part du nouveau directeur du guide, arrivé en septembre 2018.
«Procédure alambiquée»
Pour Me Richard Malka, l'avocat du Michelin, cette affaire pose avant tout «la question du respect de la liberté de critique et d'opinion dans notre pays».
«Cette liberté ne peut pas disparaître à raison de la susceptibilité de tel ou tel homme publique légitimement soumis à la critique», estime l'avocat, interrogé vendredi par l'AFP.
«Au travers d'une procédure alambiquée -puisque M. Veyrat ne formule aucune demande sur le fond-, c'est cette liberté qu'il tente de restreindre», dénonce-t-il encore.
Le Michelin est «un instrument pour les consommateurs, pas la propriété des chefs», avait-il rappelé à l'audience. Si le tribunal tranche en faveur du cuisinier, «quel critique -gastronomique, littéraire, de cinéma, etc.- osera encore écrire sans avoir la plume qui tremble?», s'était-il alors interrogé.
«En droit commun, la critique n'est pas complètement libre», lui avait rétorqué Me Ravanas. «On n'a pas le droit d'écrire n'importe quoi sous prétexte de liberté d'expression.»
Dénonçant une procédure abusive, le Guide Michelin réclamait au chef 30.000 euros de dommages et intérêts.