Une grève qui dépasse les frontières. Le mouvement social contre la réforme des retraites, extrêmement médiatisé en France, suscite l'intérêt de la presse étrangère, notamment européenne et américaine, qui y voit entre autres une nouvelle illustration de l'habitude bien française de protester ou encore un défi pour le président Emmanuel Macron.
Chez notre voisin allemand, la grève est vue d'un mauvais œil par la plupart des médias, alors que l'âge de départ à la retraite outre-Rhin est déjà fixé à 65 ans (contre 62 en France), et qu'un relèvement à 67 ans est dans les tuyaux. Le quotidien Süddeutsche Zeitung parle par exemple d'une «colère infondée», quand Die Welt estime que le système des retraites français doit «absolument» être réformé. «Il est incompréhensible qu’une grande partie de la société soutienne les catégories qui bénéficient des régimes spéciaux», écrit-il, «parce qu'un régime à points profiterait principalement aux bas salaires, au détriment des hauts salaires».
Comme beaucoup de médias étrangers, le Corriere della Serra, en Italie, insiste lui sur le fait que manifester fait partie de l'ADN des Français. «Il y a en France une longue tradition historique d’agitation populaire, plus ou moins justifiée», commente-t-il, citant pêle-mêle une grève des étudiants de l’université de Paris en 1229, les grèves de joie pour fêter la victoire du Front populaire de Léon Blum en 1936, ou encore Mai 68. «Il y a un peuple composé de citoyens qui doivent périodiquement descendre dans la rue pour conquérir, au moins une fois dans leur vie, leur Bastille», conclut l'article.
En Suisse, où la grève hexagonale a terni le lancement dimanche du Léman Express, une liaison transfrontalière entre le pays et la France, la presse souligne également l'esprit révolutionnaire propre aux Français. Le Temps se demande ainsi si, «comme souvent en France», la rue «finira par décider des réformes acceptables ou non». Dans un autre article, le quotidien traite la grève sur un angle plus politique, en expliquant que c'est «la bataille sociale du quinquennat qui se joue». Selon lui, si Emmanuel Macron ne parvient pas à «convaincre l’opinion du bien-fondé de son projet pour tous», et «s’il amende ou retire son projet, sa crédibilité sera largement entamée, en particulier au sein de l’électorat centriste et de droite modérée, qui est aujourd’hui son socle politique».
«Les Français sont Les Misérables»
En Espagne, El Pais a récemment consacré un article sur la galère des usagers des transports franciliens, expliquant que la grève «rend la vie difficile aux travailleurs». Pour le New York Times, aux Etats-Unis, ce sont justement ces gens, qui empruntent chaque jour les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail, premiers impactés par cette grève touchant principalement la SNCF et la RATP, qui pourraient faire basculer le mouvement d'un côté ou de l'autre. «Le gouvernement espère que la colère contre les grévistes pour avoir rendu la vie misérable fera pencher la balance de l'opinion publique en sa faveur. Jusqu'à présent, cela ne se produit pas», explique le quotidien américain, invoquant le chiffre de 62 % des Français soutenant la grève, selon un sondage Harris Interactive.
Outre-Atlantique toujours, le Los Angeles Times a de son côté pris un peu de recul sur ce mouvement social déjà historique, en essayant de comprendre «pourquoi les Français, qui semblent avoir beaucoup, sont si prompts à protester». Résultat, un portrait au vitriol des habitants de notre pays, dépeints comme malheureux, se plaignant tout le temps, mélancoliques, pessimistes, vivant dans une culture du «non», dépressifs ou encore détestant les autres. «Aussi déroutant que cela puisse paraître dans un pays qui semble avoir pour lui beaucoup de choses - grands vins, cuisine reconnue, haute couture et environ 1.000 fromages différents - les Français sont Les Misérables», écrit la journaliste, ne se privant pas de citer de nombreux clichés existant sur les Français.