«Le port du voile dans l'espace public n'est pas l'affaire de l'Etat». Jeudi, Emmanuel Macron a voulu clarifier sa position sur cette polémique qui depuis 15 jours divise au sein même de son gouvernement, et dont se sont emparée la droite et l'extrême droite.
En voyage à La Réunion, le chef de l'Etat, que ses opposants comme ses partisans pressaient d'intervenir sur ce sujet sensible, a tranché par une formule lapidaire. «Le port du voile dans l'espace public n'est pas mon affaire. Dans les services publics, à l'école, c'est mon affaire», a-t-il dit.
«Dans les services publics, il y a un devoir de neutralité. Quand on éduque nos enfants, on demande qu'il n'y ait pas de signe religieux ostentatoire. Après, ce qui se passe dans l'espace public, c'est pas l'affaire de l'Etat ou du président de la République», a-t-il dit sur la chaîne Réunion la 1ère.
Mais il n'a pas directement évoqué le cas des mères voilées accompagnantes de sorties scolaires, que LR et le RN veulent faire interdire.
Relancée par un élu RN qui s'en est pris à une accompagnante voilée dans une réunion publique, la question du voile enflamme les débats et au-delà des sorties scolaires, s'étend à la place du voile dans la société.
Emmanuel Macron a répondu jeudi d'abord à la présidente du RN Marine Le Pen, qui demande l'interdiction du voile et des signes religieux ostentatoires dans «tout l'espace public».
Et aussi à son ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer, qui a jugé que le voile n'était «pas souhaitable dans notre société», car contraire aux valeurs de l'égalité hommes-femmes.
Une prise de position vivement critiquée par des députés macronistes et, indirectement, par la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye à qui le voile durant les sorties scolaires ne pose «pas de difficultés».
La majorité est apparue encore plus divisée quand Aurore Bergé, porte-parole LREM, s'est dite prête à voter un texte de l'opposition LR, déclenchant un tollé d'autres élus macronistes.
LR a déposé une proposition de loi pour interdire le voile lors des sorties scolaires, qui sera examinée mardi au Sénat. Un texte qui risque d'alimenter la polémique alors que mi-octobre, Edouard Philippe avait tenté de siffler la fin de la récréation en précisant qu'il n'était pas question d'une nouvelle loi sur les accompagnants scolaires.
«Faire sécession»
Le chef de l'Etat, qui a appelé à plusieurs reprises à ne pas faire d'amalgame et «stigmatiser» les musulmans, s'en est de nouveau pris jeudi avec virulence au «communautarisme», en allusion à l'islam politique, qu'il a plusieurs fois dénoncé ces dernières semaines.
«Le voile est utilisé dans certaines circonstances, certains quartiers, par certains, comme instrument de revendication et de séparatisme dans la République, qu'on appelle communautarisme», a dit Emmanuel Macron.
Alors qu'il a renoncé jusqu’ici à un grand discours sur la laïcité, Emmanuel Macron a fait de la lutte contre le communautarisme l'un de ses chevaux de bataille, à l'approche d'élections municipales où la majorité comme l'opposition de droite et les Verts craignent l'émergence de listes communautaires.
«Il y a aujourd'hui des femmes et des hommes qui disent +de par ma religion je n'adhère plus aux valeurs de la République, je sors mon enfant de l'école, je refuse qu'il aille se baigner avec d'autres (...) et au nom de ma religion je porte un autre projet politique». «Et ça c'est un problème pour moi, avec une revendication qui devient politique», a insisté le chef de l'Etat.
En avril, il avait déjà dénoncé le «communautarisme qui s'est installé dans certains quartiers de la République» et annoncé qu'il serait «intraitable» face à l'«islam politique qui veut faire sécession avec notre République».
Mais il a plaidé de nouveau contre la stigmatisation d'une seule religion, après avoir ces derniers jours craint une «coagulation» dans les esprits entre communautarisme et islam.