Jugée aux assises pour avoir tué, puis démembré sa collègue de travail à Toulouse en 2016, Sophie Masala a été décrite ce lundi 21 octobre par les experts comme une femme minée par les traumatismes durant l'enfance et dépourvue de limites.
Cette mère de famille de 55 ans est accusée de s'être introduite en mai 2016 dans l'appartement de Maryline Planche, 52 ans, et de lui avoir fracassé le crâne à coups de bouteille. Elle a ensuite coupé le corps en morceaux et les a jetés dans le Canal du Midi qui traverse Toulouse, sauf la tête qu'elle a enterrée dans un jardin public proche de son propre appartement, «car elle méritait une sépulture», dira-t-elle pendant l'instruction.
Lundi, la première journée du procès a été consacrée à l'étude de la personnalité de l'accusée, aînée d'une fratrie de 7 enfants, qui a grandi au sein d'un famille ouvrière à Valenciennes, dans le nord de la France. Enfant, Sophie Masala est abusée par son grand-père, son père se suicide alors qu'elle a 10 ans, elle voit les amants de sa mère défiler dans l'appartement, doit s'occuper de ses six frères et sœurs et grandit dans un climat de violence conjugale. Elle est élevée dans la culture du mensonge.
De l'examen de personnalité, il ressort que Sophie Masala dépense au point de s'endetter, escroque, aime les jeux d'argent. Condamnée pour détournement de fonds aux dépens de l'université de Montpellier, elle exerce la prostitution pendant plusieurs mois pour payer les dettes accumulées. Et son mari la soutient.
«Conflit avec l'image maternelle»
Après avoir obtenu des diplômes sur le tard, elle intègre le bureau toulousain de l'Agefiph, organisme spécialisé dans l'insertion des handicapés, fin 2015, et entre rapidement en conflit avec Maryline Planche, décrite comme une employée-modèle.
Sophie Masala a souffert pendant son enfance d'un manque d'affection de la part de sa mère, très absorbée par sa double vie. Vêtue d'un tailleur noir, cheveux roux mi-longs, souvent tête baissée, Sophie Masala s'exprime peu. Elle se contente de répondre à certaines questions du président de la cour d'assises. Pour l'experte-psychiatre, elle est «marquée par la pendaison de son père et les mauvaises relations avec sa maman».
«Un désaccord sur l'archivage des documents, sur la position dans la structure, sur la discrétion sur sa vie privée, il y a toujours des jalousies dans un contexte professionnel, comment on en passe à cette haine si forte ?», interroge le président de la cour d'assises, David Senat.
«Elle trace des parallèles entre Maryline et sa propre mère (…) On n'a pas d'élément pour dire qu'elle a un trouble psychique, on repère des éléments traumatiques majeurs dans l'enfance, un conflit avec l'image maternelle importante, donc une personnalité aux bases fragiles, elle n'a pas de limites. Elle présente un défaut de contrôle pulsionnel», selon l'experte.
«Fragilité psychique»
«Maryline, c'est une image d'autorité maternelle, tout l'énerve chez Maryline, souligne la psychiatre, elle ne la supporte pas comme elle ne supporte pas sa mère, car il y a des conflits qu'elle n'a pas réglés. Elle reproche à Maryline ce qu'elle reprochait à sa mère : une fausse image, une image falsifiée aux yeux des autres.»
L'expert-psychologue abonde. «Voir à 10 ans son père pendu, un suicide lié à l'inconduite de la mère, ça laisse des traces», met-il en avant. Il décrit pour sa part «une fragilité psychique», «une personnalité obsessionnelle» et relève «une absence de troubles mentaux». «On arrive petit à petit à l'idée fixe, à l'immense colère (…) l'image de la mère qu'on veut détruire», sentence Me Georges Catala, avocat de la famille de la victime.
Maryline Planche, célibataire sans enfants, était décrite à l'Agefiph comme consciencieuse, discrète, appréciée par sa hiérarchie, à l'attitude maternelle avec les autres employés.
«Elle reconnait les faits, mais pas l'intention d’homicide, elle est dans la culpabilité», plaide Me Pierre Dunac, avocat de Sophie Masala, qui veut convaincre les jurés que le meurtre n'a pas été prémédité et mettre sa cliente à l'abri de la réclusion criminelle à perpétuité.
Si elle a pu découper le corps et le disperser aux quatre coins de Toulouse, c'est qu'elle a mis en oeuvre «des mécanismes de déni» de ce qu'elle était en train de faire, selon le psychologue. Le verdict est attendu pour vendredi.