Qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à tuer sa collègue de travail avant de la découper en morceaux et de jeter ses membres dans le Canal du Midi ? Sophie Masala, une mère de famille de 55 ans, est jugée pour cela à partir de lundi à Toulouse.
Au printemps 2016, les membres sectionnés de Maryline Planche ont été découverts dans le centre de la Ville rose, disséminés le long des rives du Canal du Midi. «La singularité de cette affaire, c'est que ce n'est pas seulement un meurtre, il ressort une inhumanité extraordinaire. Une affaire inédite et horrible», lâche Me Georges Catala, avocat de la famille de la victime, avant le procès aux assises de Haute-Garonne.
«Les psychologues et les psychiatres disent qu'elle n'a pas de carences mentales, s'étonne-t-il, la façon dont cette femme se conduit montre qu'elle était très soucieuse de passer entre les mailles du filet policier».
Employée consciencieuse
La quinquagénaire a été tuée le 12 mai 2016, dans son appartement du quartier Saint-Georges, en plein coeur de Toulouse, la tête fracassée avec une bouteille. Puis découpée avec une scie à métaux. De l'immeuble jusqu'au canal, distant de 500 mètres, les membres ont été transportés à l'aide d'un charriot de supermarché et la tête dans un sac à dos. Sophie Masala est interpellée quelques jours plus tard à Montpellier et passe aux aveux.
Au sein des bureaux toulousains de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph), la mauvaise relation entre les deux quinquagénaires, très différentes de caractère, était notoire. D'un côté, Sophie Masala, décrite comme joviale, mythomane et manipulatrice. De l'autre, une employée consciencieuse, solitaire et discrète, qui vivait seule. Mal voyante, elle venait d'être opérée et sortait d'un rendez-vous chez son ophtalmologue le jour où elle a été tuée.
Mme Planche faisait des heures supplémentaires et était bien vue par sa hiérarchie, ce qui énervait semble-t-il Mme Masala, qui venait de se faire pincer après avoir dérobé des tickets-restaurant.
Selon l'accusation, Mme Masala, surnommée la «démembreuse du Canal du Midi», nourrissait une «obsession haineuse» à l'égard de Mme Planche. Les deux femmes se connaissaient depuis à peine quelques mois. Née à Valenciennes (Nord), Mme Masala avait quitté Montpellier pour s'installer à Toulouse fin 2015. Elle vivait dans un studio sur les hauteurs du Canal du Midi. Son mari et deux grands enfants étaient restés à Montpellier. Elle avait été condamnée en 2011 pour détournement de fonds à l'université de Montpellier où elle travaillait.
«Au secours»
Le jour du drame, un voisin de palier a confié avoir vu la victime sortir de son appartement en criant «au secours», avant d'être tirée par les cheveux vers l'intérieur par une autre femme. Me Pierre Dunac a la lourde tâche de défendre Sophie Masala. «Elle dit qu'elle n'avait pas la volonté de tuer sa collègue de travail», plaide-t-il lors d'une conversation avec l'AFP, «ce n'est pas la première fois que l'auteur d'un crime essaie de faire disparaitre le corps de sa victime, elle a mis en oeuvre des moyens exceptionnels certes».
Il affirme que le rendez-vous était concerté et qu'elle s'est rendue au domicile de la victime dans un souci d'apaisement des tensions. «La rencontre, plutôt cordiale au début, a dégénéré», admet Me Dunac. A l'audience, Sophie Masala plaidera coupable de l'accusation de meurtre, mais se défendra d'avoir prémédité son geste. Elle risque la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu vendredi.