Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la réforme des retraites reste, après dix-huit mois de débats, entourée du plus grand flou, ni son contenu ni son agenda n’ayant encore été tranchés par l’exécutif.
Pour y remédier, syndicats et patronat sont attendus jeudi et vendredi à Matignon pour un nouveau round de négociations, en présence du haut-commissaire chargé du dossier, Jean-Paul Delevoye, qui a fait son entrée au gouvernement mercredi. Un chantier d’envergure destiné, selon l’exécutif, à «financer la dépendance» dans le futur alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, mais qui s’annonce déjà explosif.
De multiples inconnues
La première incertitude tient au contenu de la réforme. En effet, si c’est bel et bien un «système universel» par points qui se profile pour remplacer les 42 régimes actuels (chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à tous), la question du départ à la retraite, elle, ne fait pas l’unanimité au sommet de l’Etat. Alors que le rapport Delevoye de juillet préconisait un âge incitatif de 64 ans pour une retraite «à taux plein», le président a créé la confusion en disant préférer «un accord sur la durée de cotisation» plutôt que sur l’âge, afin de ne pas pénaliser ceux qui auraient commencé à travailler tôt. Une volte-face elle-même nuancée par la porte-parole de l’exécutif, Sibeth Ndiaye, selon qui «l’idée de l’âge pivot» n’est «pas enterrée».
Autre sujet de cacophonie : l’agenda de la réforme, que le Premier ministre, Edouard Philippe, dévoilera «la semaine prochaine». Après qu’un ministre a parlé d’une concertation «d’un peu moins d’un an» – au grand dam de l’opposition, qui dénonce une stratégie pour enjamber les municipales de mars –, Matignon a démenti, évoquant un examen du projet de loi au Parlement «dans les mois qui viennent». Autre preuve que l’exécutif avance à pas feutrés, il a promis de lancer, dès cet automne, une «consultation citoyenne» pour trouver un compromis avec la société civile, à l’image du grand débat national. Un déminage de terrain propre au «changement de méthode» vanté par le chef de l’Etat, mais qui n’est autre qu’un «coup de communication» pour «noyer le poisson», selon ses détracteurs.
Les opposants sur le qui-vive
S’il se dit confiant, l’exécutif est à l’aube d’une bataille difficile. D’une part, seuls un tiers des Français (34 %) lui font confiance pour modifier le système de retraites, et près de la moitié (41 %) sont hostiles à toute réforme, selon un sondage Ifop. D’autre part, le projet de loi est, pour l’heure, rejeté par la plupart des syndicats hors patronat. Si certains réformistes, comme la CFDT, attendent de «voir comment ça va bouger» après les négociations, d’autres plus contestataires, comme la CGT ou Solidaires, sont frontalement opposés au texte, le qualifiant d’«enfumage déguisé» qui, dans les faits, fera «100 % de perdants».
Afin d’allier l’action à la parole, une série de journées d’actions sont annoncées dès le 13 septembre. Avec d’un côté les syndicats en ordre dispersé, et de l’autre des avocats, des infirmières et des pilotes prêts à défendre leurs régimes spécifiques. Et, parce que la retraite concerne tout le monde, les cortèges pourraient être rejoints par les urgentistes, les enseignants ou encore les pompiers, tous mobilisés depuis des mois pour réclamer de meilleures conditions de travail.