Un épisode de forte chaleur s'installe et devrait durer «de huit à dix jours» selon Météo-France. Dans le rétro, si l'été de 2003 est dans toutes les têtes, ce n'est pourtant pas la canicule la plus meurtrière en France. Pour cela, il faut en effet remonter en 1911.
Une chaleur étouffante a régné tout le mois de juin en France. Des records de températures ont été battus dans plusieurs stations météo, avec notamment 40,1°C à Niort (Deux-Sèvres) ou 40,6°C à Rochefort (Charente-Maritime).
Un niveau que le mercure avait rarement atteint si tôt dans l'année, du moins, pas depuis le célèbre épisode caniculaire de 2003 et des seuils qui pourraient du reste être encore fôlés, voire dépassés en cette mi-juillet.
Si l'année 2003 fait figure de référence, avec 20.000 décès estimés sur cette période, ce n'est finalement pas le plus meurtrier enregistré en France. Ce triste record appartient à l'été 1911, où plus de 46.000 Français avaient perdu la vie.
Des températures entre 5°C et 7,5°C au-dessus des normales
En juillet 1911, une vague de chaleur exceptionnelle a déferlé sur l’Europe, après avoir fait des dizaines de morts aux États-Unis. Les 22 et 23 juillet 1911, 38 °C ont été relevés à Lyon, Bordeaux et Châteaudun. En août, à Paris, les températures étaient supérieures à 30 °C pendant quatorze jours.
Dans son livre «La canicule de 1911. Observations démographiques et médicales et réactions politiques», sorti en 2010, l'autrice Catherine Rollet décrit ce phénomène : «par rapport à la moyenne des années 1908-1910, l’augmentation en août est de 24 % à Paris, de 16 % à Nantes, de 6 % à Brive et de 19 % à Lyon. En septembre, la différence est de 40 %, 43 %, 33 % et 30 % pour les mêmes villes. L’Île-de-France et l’Ouest sont des régions spécialement touchées».
Elle souligne que la canicule de 1911 tient sa spécificité de «températures très élevées, associées à une insolation importante, sans pluie, [ayant] duré très longtemps». À cette époque, les conditions de travail étaient particulièrement difficiles et favorisaient la déshydratation.
«une crise de la mortalité infantile»
Mais les plus impactés par cet épisode caniculaire sont sans aucun doute les nourrissons. «La canicule de 1911 a touché de manière préférentielle les jeunes enfants, et même, peut-on dire, les bébés de moins de deux ans», indique Catherine Rollet. Selon l'autrice, sur les 46.000 décès supplémentaires enregistrés cette année-là, 75 % d'entre eux auraient concerné les jeunes enfants.
L'impact de la chaleur n'est pas forcément direct sur l'état de santé des enfants, mais plutôt sur les conditions de vie. Beaucoup de mères ayant abandonné l’allaitement au sein, cette épidémie va de pair avec celle qui sévit chez les vaches laitières.
Cet été là, le lait est de plus en plus mauvais et peu nourrissant, les fermiers donnant trop de tourteaux, pulpes et betteraves pourries à leurs animaux, explique le site Sciencepost.fr. En parallèle, une épidémie conjointe de fièvre aphteuse à cette même époque avait eu un impact sur la quantité de lait produite pour nourrir les nourrissons.
Les personnes âgées ont elles aussi été touchées durant cet épisode de chaleur intense, «la surmortalité se dessinant très nettement au-delà de 60 ans et notamment entre 70 et 100 ans».
Un changement des procédures d'alerte
En 1911, alors que les premières statistiques permettant de chiffrer la mortalité infantile commencent à se mettre en place, il est constaté un net progrès dans la survie des jeunes enfants. Or, cet épisode va tout bouleverser dans l'opinion publique. «La catastrophe est donc perçue comme un retour en arrière de plusieurs années concernant les enfants», soutient Catherine Rollet dans son livre.
Dès lors, les médecins-inspecteurs procéderont à des incitations pour revenir à l'allaitement maternel. Jusqu'au «plus haut de l'État», les informations circulent afin d'éviter «le renouvellement d'un pareil drame». La presse est également sollicitée pour relayer les recommandations aux mères et aux nourrices. Le gouvernement engage alors plusieurs centaines de milliers de francs dans les œuvres de puériculture.
Selon l'autrice, c'est «une véritable mobilisation» à laquelle appelle le ministre de l'Intérieur de l'époque, Théodore Steeg. Avant de conclure que «les années précédant la guerre de 1914 voient une intensification certaine de la lutte contre la mortalité intensive et une protection accrue des nourrissons et de leurs mères».