Des défilés contre la loi travail en 2016 aux dernières mobilisations des gilets jaunes, les stratégies policières de maintien de l'ordre sont régulièrement montrées du doigt, tant pour les critiquer que pour les faire évoluer. A ce titre, un séminaire consacré à l'élaboration d'un nouveau schéma national doit avoir lieu ce lundi au ministère de l'Intérieur.
L'objectif : réviser les méthodes d'intervention des CRS et des gendarmes. Ces derniers mois ont en effet mis en lumière la prise en défaut des forces de l'ordre, voire leur mise en échec, par des groupes de manifestants violents et mobiles, adeptes de moyens de contestation atypiques, à l'image des black blocs. Et ce, malgré une présence policière ultra-renforcée : effectifs pléthoriques, hélicoptères, blindés, grenades, canons à eau, policiers à moto ou à cheval...
Pour bâtir la stratégie de demain, l'Intérieur a fait appel à une quinzaine d'experts, selon le JDD. Parmi eux : le procureur de la République adjoint Olivier Christen, les ex-patrons du Raid Jean-Michel Fauvergue et Jean-Louis Fiamenghi, le président de l'Institut Vinci, Driss Aït Youssef, le sociologue Patrick Bruneteaux, ainsi que les journalistes Guillaume Biet (Europe 1) et Georges Brenier (TF1). Mais pas de chercheur affilié à un organe institutionnel comme l'Onu ou le Conseil de l'Europe.
Selon le @leJDD, Georges Brenier, journaliste à TF1, va être consulté par @CCastaner comme «expert» du maintien de l'ordre pour «bâtir» une nouvelle stratégie d'intervention. En janvier dernier, il expliquait que la police n'avait fait «aucun blessé grave». https://t.co/dWwcbw6HWy
— Nicolas Cori (@nicolascori) 16 juin 2019
Sur la table ? Tous les sujets, selon Christophe Castaner, y compris «la question des modalités d'usage» du désormais notoire lanceur de balles de défense (LBD), dont l'utilisation a augmenté de 200% en 2018. Dans une interview au JDD, le «premier flic de France» a ainsi affirmé que «d'autres moyens peuvent être renforcés, comme les lanceurs d'eau utilisés en Allemagne, ou même les chevaux, dont les policiers anglais sont équipés». Les conclusions du comité d'experts devraient être rendues dans les prochains jours.
«Renforcer le lien entre la population et sa police»
Ce séminaire pourrait être le début du «débat [...] au sein de la Police nationale» réclamé par les forces de l'ordre ce dimanche. Dans une tribune publiée dans le JDD, quatre policiers syndicalistes – David Le Bars (secrétaire général du Syndicat des commissaires de la Police nationale), Jean-Marc Bailleul (secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure), Yves Lefebvre (secrétaire général de Unité SGP Police-FO) et Philippe Capon (secrétaire général Unsa Police) – demandent en effet «un signal fort» du ministre de l'Intérieur pour «réinventer la police».
Mais aussi, à plus court terme, pour améliorer une situation explosive, aggravée par la «disette budgétaire», les «normes inadaptées», les services «dépassés» et «débordés», ou encore les «injonctions paradoxales du politique et de la société civile». «Conscients de la nécessité de renforcer le lien entre la population et sa police», ils revendiquent davantage de «reconnaissance» de la part de leur hiérarchie, ainsi que davantage de moyens humains, afin de devenir une «véritable police citoyenne».
Reste à savoir si, lors de ce séminaire, la question des violences policières sera abordée. Alors que les associations et de nombreux élus dénoncent l'usage excessif de la «violence physique légitime» de l'Etat, et que certains policiers, tout comme le Défenseur des droits Jacques Toubon, ont dénoncé les «ordres illégaux» dictés par leur hiérarchie, Christophe Castaner répète à l'envi qu'il «n'accepte pas l'expression 'violences policières'». Mais un changement de stratégie sans mea culpa est-il possible ?