Bien avant l'anuelle gay pride organisée dans les rues de la capitale à la fin du mois, une marche des fiertés doit défiler ce dimanche à Saint-Denis. Le but : donner aux personnes LGBT une meilleure visibilité sur un territoire souvent jugé plus homophobe que les autres.
Un événement qui rappelle que l'homophobie fait encore de nombreuses victimes, aussi bien dans la capitale que dans sa périphérie. En 2018, SOS homophobie a recueilli 1 905 témoignages d’actes LGBTphobes, en augmentation depuis trois ans.
Cette année-là, Lyes Alouane, jeune homosexuel de Gennevilliers marquait les esprits avec un témoignage fort, partageant son quotidien d’insultes, de crachats, et d’agressions dans sa banlieue.
Aujourd'hui délégué d'Ile-de-France de l'association Stop Homophobie, le jeune homme soutient la parade de Saint-Denis qui met à nouveau un coup de projecteur sur une homophobie encore répandue.
Quel est votre regard sur cette marche des fiertés organisée dimanche ?
Je serai évidemment présent en tant que militant LGBT car c'est la première marche qui va se dérouler en banlieue. J'estime qu'on doit encore plus persévérer, continuer à organiser ce genre d'initiatives. C'est une manière de ne pas abandonner ce qui est aujourd'hui une zone de non-droit.
Pourquoi Stop Homophobie ou Le Refuge, deux associations que vous représentez, ne se sont pas investis dans cette manifestation ?
De notre côté, c'est surtout une question de moyens, à la fois financiers et humains. On n'a pu assurer qu'une seule pride cette année mais on espère pouvoir être présents l'année prochaine. Mais personnellement, j'y serai dimanche, car c'est un combat qu'il faut mener en banlieues. Et c'est mon combat.
Paris organise déjà propre marche des fiertés depuis 1990. Pourquoi une parade en banlieue est-elle nécessaire ?
Paris, c'est en quelque sorte un territoire conquis. On peut se montrer, on est pas obligés de s'invisibiliser, de cacher son homosexualité. Evidemment, on est toujours susceptible de se faire agresser. Mais le simple fait de tenir la main de son petit copain ou de sa petite copine, ça n'est pas possible dans les banlieues. On est comme en arrière dans le temps : on doit garder notre homosexualité pour soi. Ne pas être soi en fait.
Vous avez l'impression que la marche parisienne ne vous représente pas suffisamment ?
La marche des fiertés à Paris est très importante mais elle ne représente pas la violence de la banlieue. Au mois de mars, un jeune homme homosexuel s'est fait poignardée à Drancy. Il a été pris dans un guet-apens alors qu'il avait été invité à un rendez-vous. Les agressions qui ont lieu à Paris n'affichent pas une telle brutalité, c'est limite atroce.
La parole se libère de plus en plus sur les agressions homophobes : est-ce que vous avez l'impression que cela fait une différence ?
Oui la parole des victimes se libère, mais il ne faut pas oublier : le nombre d'agressions augmente aussi. Que ce soit à la télé, dans les séries ou autres, les personnes LGBT s'affirment, sont plus visibles, et ça, ça fait sortir les LGBTphobes de leurs gongs. A un moment donné, sans mesures réelles et fortes pour éviter la situation s'empire dans certaines zones.
Considérez-vous que l'action du gouvernement soit suffisante pour lutter contre ces actes ?
Pour l'instant, un plan d'urgence a été mis en place en novembre dernier par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa. Mais les mesures annoncées sont pour l'instant clairement insuffisantes, d'autant plus que leur application n'est pas encore totale. On attend encore que les «référent LGBT» dans les commissariats et gendarmeries soient correctement formés par exemple.
De nouvelles annonces sont apparemment prévues fin juin. Mais, les victimes ne peuvent plus attendre. Nous attendons vraiment des mesures fortes de la part du gouvernement : renforcer la pédagogie dans les écoles, une action plus efficace de la justice. C'est déjà presque impossible de franchir le pallier d'un poste de police aujourd'hui. Mais du côté de la justice, plus de 80% des plaintes pour LGBTphobie sont classés sans suite.