Deux ans après le second tour de la présidentielle, le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'est à nouveau confirmé pour les européennes. A la faveur, comme annoncé par les médias, de la liste du RN (24 %), portée par Jordan Bardella, contre celle de LREM, menée par Nathalie Loiseau, qui culmine à 22,5% des voix.
En martelant le clivage entre les «progressistes», dont il se prévaut, et les «nationalistes», le président avait en effet acté une confrontation directe («moi ou le chaos») avec la leader de l’extrême droite, qui voulait, dans la même logique, faire du scrutin un «référendum anti-Macron». Or, le locataire de l’Elysée, battu à domicile, voit ce soir son image écornée en Europe, tandis que le RN est désormais en mesure de se présenter comme la première opposition du pays.
Premier défi du RN : tenter de faire corps avec ses alliés nationalistes en Europe, comme Matteo Salvini en Italie ou Viktor Orban en Hongrie, avec l'objectif de transformer l'UE «de l'intérieur» en en faisant une «alliance des nations».
Pour les militants, c'est une «grande claque» et une «victoire par KO technique», attaque une sympathisante de 62 ans. «Il y a 2 ans, tout le monde prédisait la mort du RN. Nous leur avons prouvé tort», se réjouit un autre de 28 ans. «Maintenant, le tout est de changer l'Europe avec nos alliés», nuance une encartée du parti. Selon l'un des militants de la première heure, Philippe Vardon, conseiller régional RN, «il faut dissoudre l'Assemblée nationale et faire un scrutin à la proportionnelle. Il y a aujourd'hui une absence totale de représentativité dans le pays. Nous devrions avoir au moins 130 députés aujourd'hui, mais nous ne sommes que 6. C'est un déni de démocratie.»
Un succès qui n'est pas étranger au mouvement des gilets jaunes, «que le RN a su récupérer, en tout cas davantage que les autres», note le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. «Le parti d'extrême droite n'a pas été affecté, éclipsé par la contre-performance de Marine Le Pen au débat de l'entre-deux tours de la presidentielle.» Résultat ? «Un paysage politique nouveau, avec deux grands partis, les sociaux-démocrates et l'extrême droite. Emmanuel Macron n'a désormais plus d'opposition à gauche, seulement à droite», selon le politologue. Soit choisir entre «l'extrême marché ou l'extrême droite», selon la gauche radicale.
Après plus de six mois de crise sociale, c'est, pour Emmanuel Macron, un désaveu qui risque de peser lourd sur son quinquennat. Avec, selon des cadres de la majorité, un éventuel remaniement gouvernemental en perspective, dont le remplacement du Premier ministre Edouard Philippe. En outre, à l’heure où le chef de l’Etat cristallise la colère, arriver à la deuxième place le fragiliserait pour imposer son agenda de réformes impopulaires (retraites, fonction publique…). Force est de constater que si ces européennes ont été l'occasion de parler du continent, elles ont eu, et auront, une portée surtout très nationale.