A 79 ans, celui qui est surnommé le «roi des forains» dans les médias n'est plus à présenter, tant sa personnalité et son franc-parler ont déjà fait largement parler de lui. Fortement opposé à la maire sortante Anne Hidalgo, il se présente contre elle aux prochaines municipales.
Né pendant la seconde guerre mondiale, Marcel Campion devient pupille de la nation après le décès de sa mère, alors que son père est prisonnier en Allemagne. A la fin du conflit, il retrouve son père et l'aide sur les marchés. A 14 ans, il quitte le domicile familial et commence à travailler à son compte. Parti de rien donc, il s'installe à 17 ans à Paris, devant le jardin des Tuileries (1er), avec une baraque à frites et un manège. Un lieu symbolique qu'il ne quittera plus jamais, jusqu'à y installer en 2015 une grande roue de près de 70 mètres de haut.
Devenu en plusieurs décennies un véritable homme d'affaires, Marcel Campion est naturellement devenu le porte-parole de la communauté foraine parisienne et française, le «casse-cou de service qui se met en tête de cortège pour parler au nom des autres» dit-il, et ne cesse de dénoncer le sort qui leur est réservé. Aujourd'hui, il est surtout à la tête d'un empire financier. Principal promoteur de la Foire du trône (12e), il est également l'organisateur de la Fête foraine du jardin des Tuileries (1er), ainsi que de la fête à Neu-Neu (16e) pour ne citer que ça.
Son rapport étroit à la politique
Dans son livre «Chamboule tout : la fête foraine, les stars et la politique» paru fin 2018, Marcel Campion explique son rapport étroit à la politique, né de sa capacité (et volonté) à trouver n'importe quel moyen pour s'adresser directement au maire, au député ou encore au président qui pourra faire quelque chose pour lui. «Et comme je suis têtu, j'insiste auprès de mes correspondants», explique-t-il. A tel point qu'à chaque nouvel interlocuteur officiel (il a connu quatre maires de Paris et cinq présidents), le «roi des forains» se débrouille pour entrer en contact direct avec ces personnes, afin de leur rappeler l'histoire des forains, «afin d'expliquer à tous que la lutte pour être forain et vivre de son métier est permanente».
Il revient notamment sur une scène cocasse, dans laquelle il fait le pied de grue devant la mairie de Paris pour être sûr de pouvoir parler à Jacques Chirac, préalablement informé par le chauffeur de celui-ci de ses horaires d'entrée et de sortie. «J'attendais à l'heure dite la voiture de Jacques Chirac qui se présenta en ralentissant, la vitre baissée», raconte-t-il. Le temps d'un tour en voiture, le maire l'avait écouté et quelques mois plus tard, le coriace homme d'affaires obtenait ce qu'il voulait.
Car Marcel Campion ne croit pas à l'envoi de courriers pour se faire connaître d'un politique. Selon lui, «ce n'est pas le courrrier qui a perdu de son importance», c'est juste que «les chances d'être lu par le destinataire de votre courrier sont infimes». «J'ai ainsi remarqué que, à chaque nouveau mouvement qui piétinait le monde forain sans crier gare, il était très difficile de faire valoir ses intérêts sans entrer dans une logique d'affrontement», témoigne-t-il, assurant que sa réputation était justement «née de ces affrontements».
Persona non grata à Paris
Après avoir longtemps monopolisé le marché des animations foraines de Paris, sans réels concurrents, Marcel Campion a subi – coup sur coup – plusieurs revers. Fin mai 2017, il est mis en examen pour recel de favoritisme et pour abus de biens sociaux au sujet de l’accord entre sa société et la ville de Paris concernant la grande roue de la place de la Concorde. La municipalité parisienne remet alors en cause le principe même de l'existence de cette roue et le 22 novembre 2017, le Conseil de Paris vote à la quasi-unanimité la non-reconduction de la convention d'occupation du domaine public. La roue est démontée à l'été 2018.
Et l'histoire se répète avec le marché de Noël des Champs-Elysées (8e) que la municipalité parisienne refuse de reconduire. Installé là chaque année pour les fêtes pendant six ans, «il ne coûta pas un sou à la mairie» selon Marcel Campion. La dernière année, à l'hiver 2016, l'homme d'affaires se félicite d'y avoir attiré «15 millions de visiteurs» et regrette les attaques que cette réussite suscite. «On lui reprochait d'être purement mercantile. Un comble pour un marché», s'offusque-t-il.
Mais rien n'y fait. Le marché de l'hiver 2017 est annulé. L'affaire est portée devant le Conseil d'État qui rejette le recours de Marcel Campion. Mais sans compter sur sa capacité à rebondir. Lâché par la municipalité parisienne, il s'accorde finalement directement avec le musée du Louvre et son marché obtient l'autorisation de s'installer dans le jardin des Tuileries (1er) à l'hiver 2018, à condition de ne proposer que des produits essentiellement français.
Candidat à la mairie de Paris
En août 2018, à la suite de ses déboires avec la mairie de Paris, il annonce la création du mouvement «Libérons Paris». Opposé à l'actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, il se donne pour objectif de présenter 17 têtes de liste pour les élections municipales de 2020, à Paris. Le 17 octobre 2018, il officialise son projet. «J’ai décidé de me porter candidat à la mairie de Paris au vu de l’incohérence totale de la gestion catastrophique que mènent les professionnels de la politique», explique-t-il alors à la presse.
Début mars 2019, Marcel Campion et ses soutiens inaugurent en grande pompe la permanence de campagne du parti, au 195, rue Lafayette (10e), se réappropriant la musique des Ghostbusters. Entouré d'acteurs déguisés version SOS Fantômes, il est ainsi prêt à «libérer Paris», «pour un seul mandat» assure-t-il et confie en off qu'il vise la mairie du 18e. Selon le dernier sondage IFOP pour le JDD, il était crédité de 1 à 2 % d'intentions de vote.
Dernièrement, il s'est positionné en soutien aux gilets jaunes, qu'il a même invité à plusieurs reprises à venir profiter gratuitement des attractions de la Foire du trône (12e) avec leur famille et leurs enfants. Toujours aussi «grande gueule», un peu «trop» comme il le dit lui-même, il continue surtout à défendre le monde forain. Au printemps 2019, il exhorte notamment l'Etat de reculer sur une directive européenne qu'il accuse de vouloir «tuer les traditions foraines en France».