C'était en 1966. Claude Lelouch montait les marches de Cannes avec Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée pour «Un homme et une femme», et recevait une Palme d'or. Le réalisateur français et ses acteurs ont à nouveau foulé le tapis rouge samedi pour présenter une suite de leur film, dans un moment plein d'émotion.
«On a le sentiment d'avoir fait le tour du monde des émotions et d'être revenus là où on est nés. J'espère que les gens vont être de très bonne humeur, parce que nous on l'est», a déclaré Claude Lelouch, 81 ans, visiblement ému, avant de monter les marches de Cannes sous la pluie au bras d'Anouk Aimée, 87 ans, habillée tout en noir.
Très affaibli, Jean-Louis Trintignant, 88 ans, les attendait en haut de l'escalier, où toute l'équipe du film a pu se réunir. A leurs côtés se trouvaient également ceux qui jouaient leurs enfants en 1966 - Antoine Sire et Souad Amidou - aujourd'hui quinquagénaires et qui reprennent leur rôle dans la suite - ainsi que les actrices Monica Bellucci et Marianne Denicourt.
Les acteurs et leur réalisateur ont ensuite été ovationnés pendant de longue minutes à leur arrivée dans la salle.
Présenté hors compétition sur la Croisette, «Les Plus belles années d'une vie», raconte les retrouvailles des deux personnages principaux d'«Un homme et une femme», film légendaire à la célèbre ritournelle «badabada, dabadabada...» qui avait fait le tour du monde et remporté deux Oscars, celui du meilleur film étranger et celui du meilleur scénario.
«unique»
Tourné en dix jours, ce film - dont la musique a été à nouveau composée par Francis Lai, déjà aux manettes il y a 53 ans (et décédé en novembre 2018 après l'enregistrement), et par le chanteur Calogero -, raconte les retrouvailles des deux personnages de cette histoire d'un amour fulgurant et passionné.
En 1986, Claude Lelouch avait déjà réalisé une première suite à son film le plus célèbre, «Un Homme et une Femme: 20 ans déjà», également montrée hors compétition à Cannes, et réunissant ses deux acteurs de 1966.
L'idée de reprendre encore une fois le flambeau lui a été soufflée par «le temps qui passe», a-t-il expliqué à l'AFP. "Ce genre de film est unique dans l'histoire du cinéma. C'est la première fois qu'un metteur en scène peut retrouver ses deux comédiens, 53 ans après", souligne-t-il.
Aller-retour entre les images d'aujourd'hui et celles d'hier (celles d'«Un homme et une femme» et du court métrage de Claude Lelouch «C'était un rendez-vous», filmant une traversée de Paris à grande vitesse), «Les Plus belles années d'une vie», en salles mercredi en France, met en scène l'ancien pilote automobile, incarné par Jean-Louis Trintignant, qui vit désormais dans une maison de retraite.
Il perd la mémoire mais se rappelle encore celle qui fut «son meilleur souvenir», que son fils se met en tête de rechercher, organisant leur rencontre en Normandie sur les traces de leur amour passé.
«deuxième naissance»
Avant de monter les marches, Claude Lelouch avait avoué à l'AFP qu'il aurait «le trac» de le faire pour ce film, son 49e.
Le cinéaste prolifique connaît bien le festival, où il est venu trois fois en compétition et huit fois hors compétition. «J'ai connu tout à Cannes», «la seule chose que je n'aie pas faite, c'est le ménage!».
Sélectionné in extremis en 1966, «Un homme et une femme» avait connu un succès totalement inattendu pour Claude Lelouch, alors âgé de 28 ans, et qui avait fait jusque-là six longs métrages qui n'avaient pas marché.
«J'ai fait ce film un peu comme un dernier film, donc on a pris tous les risques. C'est vrai que quand la salle s'est levée et nous a ovationnés, je ne sais plus, ça n'en finissait pas. Je ne comprenais pas ce qui arrivait», raconte-t-il.
Le succès de ce film, «ça m'a permis d'être un cinéaste indépendant, libre», poursuit-il. «Pendant 50 ans, j'ai pu grâce à ce Festival de Cannes faire le cinéma que j'avais envie de faire. Cannes c'est un peu mon père et ma mère. C'est ma deuxième naissance».