Non, l'intolérance au gluten n'est pas un choix ni une mode. Et à bien regarder, cette pathologie auto-immune, autrement connue sous le terme de maladie coeliaque, n'est pas assez prise au sérieux. A l’occasion de la Journée Mondiale de la Maladie Cœliaque ce jeudi 16 mai, le point sur une maladie qui demande à être mieux connue, mieux prise en charge et mieux diagnostiquée.
L'intolérance au gluten (que l'on appelle aussi « maladie cœliaque ») est une maladie digestive qui provoque une destruction des villosités de l'intestin grêle, perturbant ainsi l'absorption des nutriments et notamment du fer et du calcium.
La maladie cœliaque concernerait 1 % de la population mondiale, avec des concentrations importantes aux États-Unis et en Europe où 1 personne sur 100 pourrait développer la maladie au cours de sa vie. L'Association Française des Intolérants au Gluten (AFDIAG) estime qu'en France, 670 000 personnes seraient touchées par cette maladie - mais seulement 10 % à 20 % des cas seraient aujourd'hui diagnostiqués.
Le diagnostic
Il n’est malheureusement pas rare que les patients doivent consulter plusieurs médecins avant de tomber sur celui qui les orientera comme il se doit sur le sujet. Une des difficultés majeures pour diagnostiquer la maladie coeliaque est la multitude de symptômes cliniques qu'elle peut générer quand elle ne reste pas sournoisement silencieuse. Ces symptômes varient en nombre et en intensité selon les individus : diarrhées, perte de poids, arrêt de la croissance, ballonnements, aphtes, douleurs osseuses, fatigue, anémie... Ainsi face à des symptômes atypiques, l'Afdiag rappelle qu'il est important qu’un médecin puisse diagnostiquer la maladie et surtout de ne pas supprimer le gluten avant d’avoir réalisé les examens nécessaires à ce diagnostic. S’il y a des cas dans la famille, les autres membres sont encouragés à en parler à leur médecin car si les causes de la maladie sont encore troubles, il semble exister un terrain génétique.
Deux examens, remboursés par la Sécurité sociale, sont nécessaires pour dépister la maladie cœliaque. Le médecin prescrit d'abord une simple prise de sang dans laquelle doivent être recherchés les anticorps spécifiques de la maladie (anticorps antitransglutaminase). Si cette analyse sanguine est positive, le gastro-entérologue pratique une endoscopie avec biopsies, sur la partie haute de l’intestin grêle. Cet examen est indispensable pour poser le diagnostic final. Si l’endoscopie montre une atrophie villositaire avec augmentation des lymphocytes intraépithéliaux, la maladie cœliaque est confirmée. Dans certains cas, malgré des anticorps négatifs, une forte suspicion peut conduire le médecin à prescrire quand même une endoscopie. Si l’atrophie villositaire est vérifiée, la maladie cœliaque ne fera plus aucun doute.
La maladie coeliaque est parfois associée à d'autres pathologies auto-immunes. «Les deux maladies auto-immunes les plus fréquemment associées à la MC sont, le diabète insulinodépendant (DID) qui a le même terrain génétique, et les thyroïdites. On peut également trouver des hépatites auto-immunes, des cirrhoses biliaires primitives, mais aussi du psoriasis, vitiligo…» explique le Professeur Cellier, gastro-entérologue au CH Georges Pompidou, sur le site de l'Afdiag.
Forme particulière de la maladie cœliaque, la dermatite herpétiforme est une maladie inflammatoire de la peau (sous forme de petites lésions ou cloques) avec altération de la muqueuse intestinale.
Bon à savoir : plus la maladie est diagnostiquée tôt, moins il y a de risques de complications, qui peuvent être sévères.
Pas de traitement mais un régime vital difficile à respecter
Le seul traitement de la maladie coeliaque consiste à suivre un régime sans gluten strict et à vie. Il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux. Le gluten se trouve dans le blé (froment, épeautre, petit épeautre, Kamut®), le seigle (triticale), l’orge et dans certains cas l’avoine.
L’exclusion du gluten de l’alimentation est un souci permanent dans le quotidien des malades. Le respect de ce régime pose un problème surtout au moment des repas en collectivités. Les intolérants doivent également être vigilants dans le choix des produits alimentaires courants où le gluten peut être présent sous forme directe (farine…) ou par contamination.
Il est en effet important de préciser qu'un aliment sans gluten qui entre en contact avec des ingrédients en comportant devient immédiatement inconsommable pour les coeliaques. Ces contaminations dites « croisées » peuvent survenir accidentellement en cuisine, compliquant un peu plus la vie des malades et de leurs proches. Pour les éviter deux choix : ou éradiquer totalement le gluten de la maison ou bien veiller à le tenir à l'écart des préparations destinées aux malades, en nettoyant méticuleusement les surfaces de préparation et de service, les plats et les ustensiles, mais aussi en se lavant les mains entre chaque préparation en cas de manipulation directe des produits.
Une galère vitale car tout écart (volontaire ou involontaire) dans le régime met en branle la réaction immunitaire avec toutes ses conséquences néfastes à court et à long terme, dégradant sévèrement la qualité de vie des malades affaiblis par des douleurs intenses et une fatigue profonde. Il est primordial de noter que si le régime sans gluten n’est pas suivi strictement, le malade s’expose à d’autres maladies auto-immunes et à des complications graves : atteintes ostéo-articulaires, fausses couches, cancers digestifs... Or tous les produits de consommation courants industrialisés sont susceptibles de contenir du gluten, parfois de manière très surprenante.
Si un effort sur l’étiquetage a été fait ces dernières années, le malade doit apprendre à reconnaître les ingrédients qui lui sont interdits (le mot gluten en toutes lettres n'étant pas toujours indiqué), ce qui inclut aussi quelques surprises jusque, pour ne citer qu'un exemple parmi une longue liste, dans les additifs alimentaires tels que la gomme-laque E904 utilisée pour lustrer certains fruits (!). Ainsi une connaissance systématique des ingrédients de chaque produit est indispensable. L'attention devra aussi se porter sur les médicaments qui peuvent eux aussi contenir de l’amidon de blé.
Attention : La mention « Bio » ne veut pas dire que le produit est sans gluten. Autre fait important à savoir, le gluten n’est pas détruit par des températures élevées. Il n’est donc pas éliminé lors de la cuisson des aliments.
Des conséquences sur la vie sociale, et le portefeuille...
Le PAI à l’école, les goûters d’anniversaire, les voyages… Tout repas pris à l’extérieur de son foyer est donc un challenge pour le coeliaque qui, en plus de faire une croix sur l’insouciance alimentaire, connaît la double peine d’avoir à payer très chers ses aliments de substitution, avec des produits sans gluten vendus en moyenne quatre fois plus chers que les produits «traditionnels ». Eu égard à ces tarifs qui font considérablement grimper le budget course, le remboursement perçu par les malades qui en auront fait la demande à la sécurité sociale (une démarche administrative qui relève parfois du parcours du combattant) s’apparente à une goutte d’eau dans un océan. Si l'offre des produits sans gluten s'est élargie ces dernières années, le coeliaque se retrouve encore aujourd'hui face à une proposition restreinte dont il aura assez vite fait le tour. Les consommateurs de ces produits en outre sont mis en garde quant à leur composition, car aussi souvent bien plus gras et plus sucrés que leurs versions glutenisées. Les propositions pour un déjeuner sur le pouce de type sandwiches sont de leur côté quasi inexistantes. Les sorties comme les longs trajets en voiture contraignent dès lors à une organisation des repas en amont.
L'importance pour les coeliaques de faire connaître leur maladie
Quand ils ne tentent pas d'éviter discrètement les généreuses offrandes de leurs congénères - de la démonstratrice du supermarché à la gentille collègue qui a fait un gâteau - le manque d'information sur la maladie coeliaque contraint souvent les malades à devoir répondre sempiternellement aux mêmes interrogations de la part de leur entourage, les obligeant bien malgré eux à hisser le mot «gluten» en TT de leur existence.
Bénéfique par certains côtés (oui l'offre de produits s'est élargie), «la mode du sans gluten» nuit par d'autres à la bonne perception des malades, notamment lorsqu'ils se présentent dans un restaurant où leurs requêtes légitimes sur le menu ne sont pas toujours reçues avec tout le sérieux qu'elles méritent. Le manque d'information sur la maladie se fait aussi parfois même cruellement ressentir dans le cadre médical, par exemple lors d'une hospitalisation où les menus adaptés ne sont pas toujours au rendez-vous...
Pour aider les malades à vivre mieux, et l'Afdiag à poursuivre ses actions - l'association créée il y a trente ans oeuvre notamment à informer, aider et défendre les intérêts des intolérants au gluten - il est possible de faire un don ici.