Jugés pour avoir dissimulé un patrimoine d’au moins 13 millions d’euros à l’administration fiscale, le maire LR de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) et son épouse jouent leur avenir ce lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris.
Après cinq ans d'enquête et d'investigations de Levallois-Perret jusqu'au Panama, en passant par la Suisse ou Singapour, Patrick et Isabelle Balkany, l'un des couples les plus sulfureux de la vie politique française, sont de retour à la barre pour un procès qui doit durer plus d'un mois, jusqu'au 20 juin.
Qu'est-ce qu'il leur est reproché ?
La liste des chefs d'accusation est longue pour les deux édiles. Patrick Balkany est convoqué à la barre pour «blanchiment de fraude fiscale aggravé», «corruption passive», «blanchiment de corruption» et «prise illégale d’intérêt par une personne dépositaire de l’autorité publique».
Son épouse devra pour sa part répondre aux accusations pour «blanchiment de fraude fiscale aggravée» et «déclaration incomplète ou mensongère» à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
En clair, le couple est soupçonné de s'être constitué, au fil de leur carrière politique dans les Hauts-de-Seine, un important patrimoine, composé notamment de plusieurs villas luxueuses, sans pour autant le déclarer aux impôts. Au total, un patrimoine et des revenus, qualifiés d'«occultes» par l'ordonnance de renvoi, d'au moins 13 millions d'euros auraient été dissimulés par les Balkany à l'administration fiscale «en ayant recours à des prête-noms».
Les juges soupçonnent également Patrick Balkany d'avoir été «à la tête d'un véritable réseau de sociétés offshore» mis en place dès la fin des années 1980. Son ancien bras-droit, Didier Schuller, avait notamment avoué il y a quelques années déposer en Suisse des «espèces provenant d'entreprises du BTP soucieuses de financer» le RPR, parti des Balkany.
Des dépenses quotidiennes réglées en liquide - dont 87.000 euros réglés à une agence de voyage -, une «distorsion entre leurs revenus déclarés et leur train de vie» et des cadeaux offerts par de puissants hommes d'affaires sont également dans le viseur de la justice.
Quelles sont les propriétés concernées ?
Isabelle et Patrick Balkany ont toujours nié en être les propriétaires, pourtant deux luxueuse demeures sont au cœur de la fraude, obtenues selon l'accusation par des montages financiers sophistiqués.
La première est une villa située à Saint-Martin, aux Antilles. Cette vaste propriété, estimée à 3 millions d'euros, a été achetée en 1997 par une société du Liechtenstein, elle-même constituée par une autre société basée en Suisse.
Il faudra attendre la cinquième audition du couple pour qu'Isabelle Balkany admette qu'elle en était la propriétaire, en précisant l'avoir acquis grâce à un important héritage familial.
Le deuxième bien immobilier visé est un riad à Marrakech, propriété depuis 2010 d'une SCI marocaine, elle-même détenue par la société panaméenne Hayridge, entreprise au nom du bras droit du maire de Levallois, Jean-Pierre Aubry. Cette villa avait depuis été loué au fils du couple, Alexandre Balkany.
En travaillant sur la source de son financement, les enquêteurs ont révélé que la propriété avait été en partie financée par le magnat saoudien, Mohamed bin Issa al-Jaber. Les juges soupçonnent ici des faits de corruption : l'homme d'affaires saoudien aurait en effet versé les 2,75 millions d'euros au couple, alors même qu'il cherchait à obtenir de la mairie de Levallois des droits à construire pour son propre projet immobilier.
En parallèle, les Balkany auraient également reçu 2,5 millions d'euros de la part, toujours selon les enquêteurs, de l'industriel belge George Forrest. Une faveur, versée via un compte créé à Singapour par une autre société panaméenne, en échange du soutien de Patrick Balkany pour un contrat en Afrique.
Si l'élu des Hauts-de-Seine réfute toujours son implication dans ce volet de l'affaire, la justice a depuis saisi le riad, le produit de la vente de la villa Pamplemousse ainsi que le moulin de Giverny, résidence normande des Balkany.
Qui sont les autres accusés à la barre ?
Quatre autres personnes, plus ou moins proche du couple et impliqués à des degrés différents dans cette vaste affaire, sont également renvoyés devant le tribunal ce lundi.
Le fils du couple, Alexandre Balkany, soupçonné d'avoir cherché à «couvrir» la fraude de ses parents, l'industriel saoudien Mohamed Al-Jaber, soupçonné d’avoir versé d'importants et d'obscurs fonds au couple par le biais de comptes cachés, l’avocat Arnaud Claude, qui aurait tenu une place centrale dans le montage financier permettant d'acquérir la propriété marocaine et l'homme de confiance de l'élu des Hauts-de-Seine, Jean-Pierre Aubry.
Qu'est-ce qu'ils risquent ?
A 70 et 71 ans, Patrick et Isabelle Balkany encourent aujourd'hui jusqu'à dix ans de prison. Le duo devra également payer le redressement fiscal dû au Trésor public.