«Egalité» et «mixité» scolaires pour les enfants des quartiers populaires: depuis 2015, le collectif des parents du Petit Bard, à Montpellier, ont porté avec ténacité ces revendications jusqu'à l'Elysée, mais regrettent de se heurter à une «absence de volonté politique».
«On s'est mobilisés depuis plusieurs années avec comme priorité la mixité scolaire et l'égalité des chances pour éviter qu'une nouvelle génération ne soit sacrifiée, on a mis la pression pour rencontrer Emmanuel Macron l'année dernière et on a fait des propositions concrètes», souligne Fatima, l'une des bénévoles les plus actives du collectif.
«C'est bien de nous recevoir, de nous faire venir à l'Elysée, mais ce n'est pas ce qu'on veut: derrière, il n'y a aucune mesure concrète mise en place, aucune volonté politique», déplore cette trentenaire, mère d'une petite fille. «Les habitants des quartiers comme le nôtre sont choqués d'être traités avec un tel mépris : il y a un ras-le-bol général».
En 2015, un changement de la carte scolaire obligeant les enfants de ce quartier défavorisé à aller dans un établissement mal considéré, surnommé «le collège des Marocains», avait déclenché la mobilisation de ce collectif animé par des femmes.
Depuis, les parents du Petit Bard tentent de se faire entendre pour contester la carte scolaire et les moyens alloués aux établissements des quartiers populaires. Depuis quatre ans, leur action a pris de multiples formes : «Etats généraux de l'éducation dans les quartiers populaires» organisés avec d'autres collectifs à travers la France, réflexion avec des enseignants et chercheurs, rendez-vous au ministère de l'Education et au rectorat, blocages d'écoles, manifestations...
Le 18 avril, encore plusieurs dizaines de parents du Petit Bard ont protesté à Montpellier contre la loi Blanquer, qui accentue selon eux les discriminations.
«Belle visibilité»
Le collectif a crée en 2016 l'association Espoir 34 pour prolonger son action et déplore l'absence de subvention et de locaux. «On nous reproche peut-être tout simplement de mettre des vérités sur la place publique et de vouloir donner de l'autonomie aux parents», juge Fatima. «Stratégiquement, notre but est d'instaurer un rapport de force au niveau national», explique-t-elle.
Le 13 juin 2018, le collectif, cité en exemple quelques semaines plus tôt par Emmanuel Macron dans un discours, avait insisté pour être reçu par le président, alors en visite à Montpellier.
Refusant de servir de «faire-valoir», ses représentants avaient demandé à M. Macron la mise en place rapide de cinq «mesures concrètes» : parmi elles, une augmentation des moyens pour les Rased (réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficultés) dès la maternelle, des médecins et des psychologues dans les écoles ou encore un programme de prévention des difficultés d'acquisition du langage.
Du côté des enseignants, Jean-Philippe Jacquot, directeur d'une école élémentaire du quartier se félicite de la «belle visibilité au niveau national» acquise par le collectif, qui «a donc un certain pouvoir» : «En tant qu'enseignants, on sait que ces parents sont derrière nous, ça fait du bien de se sentir soutenus».
L'action du collectif montpelliérain «a permis de démontrer aux pouvoirs publics l’intensité de la mobilisation parentale dans les quartiers populaires, loin des clichés des parents démissionnaires», analyse Choukri Ben Ayed, professeur de sociologie, à l'Université de Limoges, qui publiera à la rentrée 2019 une recherche sur le combat de ces parents.
«Cette mobilisation a mis la focale sur les enjeux de mixité sociale avec un réel retentissement national», poursuit-il, disant toutefois «craindre qu’aujourd’hui le sujet ne soit en sommeil» au niveau politique.
«Sur le plan local, les mesures prises n’ont pas été à la hauteur des attentes. Redorer l’attractivité du collège Simone Veil n’a pu bénéficier qu’à un faible nombre d’élèves en instaurant du reste un dispositif sélectif pour l’accès à des filières rares: cela ne correspond pas à une véritable politique de mixité sur plusieurs collèges en jouant sur la resectorisation», ajoute le sociologue.
«On comprend alors pourquoi les revendications du collectif sont toujours aussi vives», conclut-il.