La sonnette d’alarme est tirée. S’il a provoqué une vague d’émotion internationale, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril dans la soirée, a également provoqué de la colère chez certains.
Pour de nombreux spécialistes du patrimoine et historiens de l’art, cet événement tragique a en effet mis en lumière la fragilité des monuments historiques et la nécessaire protection dont ils doivent faire l’objet. Ils appellent l’Etat à accroître ses efforts dans ce domaine, qui participe au rayonnement de l’Hexagone à l’étranger.
Des moyens insuffisants
En novembre 2017, la ministre de la Culture de l’époque, Françoise Nyssen, affirmait qu’un quart des 44 000 monuments protégés au titre des monuments historiques était jugé en mauvais état, et 5 % (soit environ 2 000 édifices) en état de péril. Un constat qui s’expliquerait en premier lieu par l’abondance de sites historiques en France. «Notre pays possède sans doute le deuxième patrimoine le plus riche du monde, derrière l’Italie, il est logiquement difficile d’entretenir tous ces monuments», explique Etienne Hamon, professeur d’histoire de l’art médiéval à l’université de Lille.
En dehors de cette difficulté inhérente à la France, de nombreux spécialistes du secteur mettent en cause le manque de moyens alloués à la sauvergarde de ces bâtiments. Sur les dix milliards d’euros accordés au ministère de la Culture pour 2019, seulement 326 millions (soit 3 %) vont au patrimoine, pour financer des opérations d’entretien et de restauration. Un montant qui paraît dérisoire, comparé aux quelque 900 millions d’euros de dons atteints en quelques heures pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Les conséquences des rognages progressifs et conséquents de nos politiques publiques culturelles sont visibles au cœur de Paris. Il est encore temps de réagir et de mettre fin aux politiques nuisibles à la préservation de notre patrimoine : de l'argent et des agents ! @UffaCFDT pic.twitter.com/HBhssqzg1t
— CFDT-CULTURE (@CFDTCULTURE) 16 avril 2019
Mais le gouvernement préfère insister sur le fait que le budget du patrimoine est en hausse de 4 % par rapport à 2018. Il semble avoir pris conscience de l’importance de cet enjeu, comme le prouve le lancement l’an dernier de la Mission Stéphane Bern, dont le Loto du patrimoine a permis de récolter 50 millions d’euros en 2018, qui sont allés directement vers les monuments en danger. Pour la deuxième édition cette année, «l’objectif est de faire mieux, ou au moins aussi bien», a ainsi déclaré la PDG de la FDJ, Stéphane Pallez, en février dernier.
A la recherche de solutions
Pour améliorer la protection du patrimoine, les historiens réclament donc un effort financier supplémentaire à l’Etat. Selon certains, des solutions existent pour trouver de l’argent sans mettre à mal le budget étatique.
«On pourrait par exemple augmenter la taxe de séjour de 50 centimes d’euros, ce qui ferait que chaque personne visitant la France paierait 3,50 euros de plus par semaine», propose Didier Rykner, directeur de la rédaction du site La Tribune de l’art. Un petit effort pour les touristes, mais qui pourrait rapporter «plus de 200 millions d’euros par an» au patrimoine, d’après lui.
D’autres appellent sinon à s’inspirer de la philantropie à l’américaine pour sauver nos monuments. Pour Etienne Hamon, il faut plutôt revoir la manière dont on s’occupe du patrimoine. «On néglige l’entretien régulier, au profit de grosses restaurations», estime-t-il. Avec parfois des effets dévastateurs, comme l’a montré l’incendie de Notre-Dame.