Le premier ministre Edouard Philippe a tiré le bilan de cette consultation nationale et inédite, lancée en réponse à la crise des «gilets jaunes». Et ce, en attendant des réponses concrètes qui devront être annoncées par Emmanuel Macron dans les jours à venir.
Plus de 10.000 réunions d'initiatives locales (RIL) ont été organisées et la plateforme a reçu 1,9 million de contributions, selon le gouvernement. Voici ce qu'il faut retenir.
Une baisse «plus rapide» des impôts
«Mon gouvernement en prend sa part de responsabilité. Notre pays a atteint une sorte de tolérance fiscale zéro. Nous devons baisser et baisser plus vite les impôts. Mais on ne peut pas baisser les impôts sans baisser la dépense publiques», a déclaré le Premier ministre.
Car la baisse des impôts, idée populaire, fait l'objet d'un important «consensus» dans les questionnaires et a fortiori dans les contributions libres (réunions d'initiative locale, cahiers de doléances, courriers...), selon le cabinet de conseil Roland Berger.
Parmi les baisses d'impôt demandées, la TVA (dont produits de première nécessité) est la première citée, devant l'impôt sur le revenu et les impôts locaux.
Quant à l'idée d'une plus grande justice fiscale, également bien présente, elle se traduit par des soutiens notables au rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF) ou encore au renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, mais aussi à l'idée «que tout le monde paie l'impôt».
En revanche, les dépenses publiques à réduire restent plus imprécises. Les trois quarts évoquent une «réduction du train de vie de l'Etat» et la lutte contre le gaspillage d'argent public.
une exigence de fraternité, de proximité, de lien quotidien
Il s'agit du deuxième axe de travail pour le gouvernement. Edouard Philippe a expliqué que les questions autour de «I'isolement, l'abandon, l'indifférence, le manque d’attention, de considération» ont régulièrement été évoquées par les Français. «Nous vivons dans un pays où on ne se voit plus, on ne se parle plus», a-t-il regretté.
C'est pourquoi il faut, selon lui, «adapter nos services publics pour qu’ils redeviennent des services de contact et pas uniquement numériques». Il faut «développer une [logique] de la simplicité», et notamment «beaucoup moins de normes».
En effet, la moitié des répondants disent avoir confiance dans leurs élus, principalement leur maire, mais la remise en cause des «privilèges des élus» est également importante, de même que celle du «millefeuille administratif». Les salaires des fonctionnaires sont jugés trop élevés en haut, pas assez en bas.
La démocratie directe est plébiscitée au niveau local : 80% des contributeurs sont favorables au référendum au niveau local (53% pour son usage au niveau national).
La décentralisation divise à parts égales ses partisans et opposants, les premiers l'associant à «une demande de proximité» des fonctionnaires. La vision est mitigée aussi sur la dématérialisation des services publics.
une exigence démocratique
«La bonne foi ne suffit pas. La bonne foi, c’est celle qui m’a poussé à instaurer le 80 km/h. Je ne me résigne pas à abandonner l'ambition de la baisse de la mortalité sur les routes. Mais je dois apprendre à composer avec l'incompréhension et le rejet de nos concitoyens.»
Il faut ainsi pour le Premier ministre «construire une démocratie plus délibérative, une démocratie participative au long cours», faisant référence à l'une des premières revendications des Gilets jaunes, le référendum d'initiative citoyenne.
l'urgence climatique
Enfin, Edouard Philippe a conclu sa synthèse en évoquant l'urgence climatique. Car la conscience de l'urgence est forte, et les Français estiment pouvoir agir directement. 62% des contributeurs à la plateforme affirment que leur vie quotidienne est déjà touchée par le changement climatique (canicules, événements climatiques...) et 86% pensent pouvoir contribuer à protéger l'environnement.
«Ce que disent les citoyens c'est que très clairement l'action n'est pas au rythme et à la hauteur des enjeux», a commenté Judith Ferrando Y Puig, de l'organisme Missions Publiques.
Comme solutions, le développement de transports collectifs, ainsi que la réduction de l'utilisation des pesticides dominent, ou encore le développement du tri.
En revanche, les organisateurs du grand débat relèvent une «défiance» à l'égard d'une nouvelle fiscalité écologique. Comme l'a précisé Edouard Philippe, lors de sa synthèse : «Nos concitoyens ne veulent plus que des taxes leur disent ce qu’ils doivent faire.»
En revanche, une taxation sur les gros pollueurs ou une taxe carbone sur les produits importés sont proposées.
Une mise en application rapide
«Hésiter serait pire qu’une erreur, ce serait une faute. Toute frilosité serait à mes yeux impardonnable. Vous pouvez compter sur ma détermination absolue pour faire du succès du grand débat une chance pour les Français, pour les territoires, pour la France», a conclu Edouard Philippe, promettant une action rapide du gouvernement.
«Ces messages nous les avons reçus 5/5, forts et clairs. Tout l’enjeu va être de passer de ces éléments de consensus à des [réalisations] démocratiques. Demain, devant l’Assemblée nationale, et mercredi devant le Sénat, j’aurai l’occasion d’en préciser les contours.»